Alain Kaehr, le sommelier de la bière

Portrait » Dans la vitrine de son magasin, à Yverdon-les-Bains, une vieille caisse en bois remplie de «Cardoches» vides mais d’époque. La belle époque. «Quelque chose que même le Musée Cardinal, à Fribourg, ne possède pas», sourit Alain Kaehr, le patron de ce lieu simple mais cosy qu’il a inauguré il y a deux semaines seulement.

Là, sur des étagères faites à la main, des centaines de bouteilles de toutes les tailles aux étiquettes colorées côtoient des sardines, des chips, des crackers et autres terrines. De la limonade aussi. Une envie d’apéro peut-être? «L’apéro, c’est la vie, et pas seulement le jeudi ou le vendredi soir», s’amuse encore celui qui se tient derrière le comptoir. Un bon vivant, assurément.

Bienvenue chez Les Bièrosophes, une caverne d’Ali Baba pour qui, comme Alain Kaehr et son épouse Murielle, aime à partager un moment convivial en dégustant une mousse, mais sans alcool pour elle. Blondes, brunes, noires ou ambrées, Lager ou IPA, fortes ou légères, fruitées ou amères, suisses, belges ou françaises, québécoises pourquoi pas, il y en a pour toutes les papilles, expérimentées ou non.

«Je les ai toutes testées et connais le 90% des brasseries qui les ont fabriquées», précise le Marlinois de 51 ans exilé dans le Nord-Vaudois depuis 2002. Un bail. Silhouette élancée dont le bidon tout sauf rond tranche avec le cliché du soiffard de houblon, Alain Kaehr vend et conseille. Sur son CV, qui commence par un apprentissage de typographe, une ligne originale, rare peut-être: n’est-il pas sommelier de la bière, diplômé en bonne et due forme depuis 2018?

Souvenirs d’enfance

Tout se mélange. Alain Kaehr rime avec bière comme Cardinal avec artisanal. «En bon Fribourgeois, mon ADN, c’est Cardinal», explique-t-il avant de se pencher, du haut de son double mètre ou presque, sur ses souvenirs d’enfance. «La bière a toujours fait partie de la famille. Chez mon grand-père par exemple, quand on jouait aux cartes, il y avait toujours une canette de “Spéciale” sur la table. Bon, il y avait du Sinalco et de la Bilz, aussi…» rigole-t-il avant d’ajouter: «J’avais un oncle qui était chauffeur-livreur chez Cardinal. A 10 ans, je me souviens être descendu avec lui dans son camion pour amener des palettes en Valais.»

Refaire le monde

Les «bottes» au bistrot du coin au sortir de l’adolescence, la tournée des grands-ducs sur le boulevard de Pérolles… Plus que de boire un verre alibi, Alain Kaehr s’est toujours plu à refaire le monde en excellente compagnie. Celle de Murielle est indissociable de son parcours de «bièrophile militant», tel qu’il se décrit. «Quand j’ai dit à ma femme que j’aimais la bière, elle m’a rétorqué: “Non, tu ne l’aimes pas” avant de m’emmener dans un bar du centre-ville d’Yverdon où j’ai découvert la bière artisanale. De la BFM. J’ai apprécié mais, problème, j’ai bu cela comme de l’industrielle, ce qui n’est pas une bonne idée. Résultat? J’ai passé ma soirée à me tenir le ventre. Ça grouillait de partout, comme si les levures continuaient de faire effet.»

Santé et… sans rancune! Passé le «choc» (sic), Alain Kaehr continue d’étancher sa soif, mais de connaissances. Il bouquine un peu, goûte beaucoup, visite toujours plus souvent, voyage, même. Soucieux de faire partager son intérêt au plus grand nombre, il crée la page Facebook «Passion bière», propose des initiations à domicile, va sur les foires, analyse, commente, critique, jusqu’à devenir un véritable expert, 15^e des Championnats de Suisse des sommeliers il y a deux ans.