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Canton

Reprise scolaire en pente douce

Communes, parents et enseignants se préparent à une rentrée scolaire particulière ce 11 mai. L’ambiance oscille entre inquiétudes face aux incertitudes et joie de la reprise après cette pause forcée

Dès le 11 mai, les élèves devront entrer dans les bâtiments scolaires directement, sans se mettre en rang afin de limiter les contacts, contrairement à cette image.

 Nicole Rüttimann

Nicole Rüttimann

8 mai 2020 à 04:01

Canton » Ce lundi signera une rentrée particulière pour les écoles obligatoires du canton. Après deux mois d’enseignement à distance, le retour – qui s’effectuera par demi-classes alternées jusqu’au 25 mai – se dessine en noir et blanc. Si l’ambiance globale semble sereine, des inquiétudes pointent cependant, notamment côté enseignants, quant aux modalités de la reprise. Un plan de protection a été envoyé aux institutions mercredi et sera présenté aujourd’hui à la presse.

«Il concerne l’enseignement obligatoire, et donne des informations concrètes quant aux modalités du retour en classe pour les élèves. De nombreux sujets y sont abordés comme les règles d’hygiène à appliquer en classe, la question de la distanciation sociale entre élèves, ce qu’il convient de faire avec les enseignants et les élèves vulnérables, etc.» indique Marianne Meyer Genilloud, porte-parole de la Direction de l’instruction publique, de la culture et du sport (DICS). N’est-ce pas trop tard? Non, estime-t-elle, «les communes ont déjà reçu des indications via l’Organe cantonal de conduite (OCC), et les parents ont été informés par les écoles pour les éléments concrets, comme le choix du groupe. Le plan de protection en milieu scolaire fribourgeois a été établi sur la base du plan de protection élaboré par l’Office fédéral de la santé publique.»

Micheline Guerry-Berchier, secrétaire générale de l’Association des communes fribourgeoises et membre de l’OCC, assure également que les écoles et communes ont tout mis en œuvre pour une reprise sereine. L’OCC organise une livraison de masques et gels hydroalcooliques. «Pour les transports scolaires, le régime est le même que pour les transports publics: les masques n’y sont pas obligatoires mais préconisés. En vue du premier jour, les parents souhaitant que leur enfant en porte un dans le bus scolaire mais n’en ayant pas pourront s’en procurer à l’administration communale. Ils seront ensuite distribués par les écoles», où une attention particulière sera portée aux nettoyages. Les structures d’accueil extrascolaire et extrafamilial reprendront aussi dans la normalité, avec plans de protection adaptés, tout comme les cantines.

«Le dernier moment»

Mais certains déplorent l’envoi tardif du plan de protection, arrivé mercredi soir dans les établissements. Et la plupart des enseignants n’ont pas encore eu connaissance de ce plan. «S’il arrive aujourd’hui, c’est le dernier moment!» estimait mercredi Gaétan Emonet, président de la fédération des enseignants fribourgeois, relevant que, même s’ils savent déjà dans quel sens vont les indications sanitaires, «plusieurs questions restent en suspens», notamment concernant la distance à garder avec l’élève.

Malgré ces inquiétudes, il constate que, pour la majorité, «cela semble bien se passer». Travailler par demi-groupes simplifie déjà la mise en place des restrictions. Et, à rentrée spéciale, travail spécial, «pédagogique mais aussi psychologique». Moins que le rattrapage, les enseignants s’axeront plutôt sur comment accueillir leurs élèves, quelles activités faire, avec un accent sur les mesures de protection. Reprise en douceur, attention dirigée sur ceux qui ont souffert de la pause, évocation de leur vécu et gestion des inquiétudes seront au programme, avant de voir comment reprendre pour terminer une bonne part du programme le 25 mai. «C’est un défi! Nous sommes tous conscients de la situation. On va faire au mieux pour y arriver.» Et de noter qu’en première ligne figurent les responsables d’établissements.

Cindy Delabays, responsable les cercles scolaires de Villorsonnens et de Massonnens/Grangettes/Le Châtelard, a ainsi géré plusieurs points, des masques aux récréations. Elle a lancé un sondage auprès des parents pour déterminer les jours de présence des enfants et examine avec les communes les règles dans les transports (assurés par les TPF pour un des cercles scolaires et par deux sociétés pour l’autre). Elle encouragera à y respecter les distances – plus facile en l’absence des élèves du CO.

Côté bâtiment, du matériel de désinfection a été réparti, en collaboration avec les communes: distributeurs de serviettes et savon liquide, sprays dans les classes pour désinfecter poignées et montants (par les concierges et enseignants), nettoyage des parties communes intensifié, règles d’hygiène affichées etc. Anticipant le plan de protection, les pupitres ont été espacés. Et pour l’accueil, les élèves entreront directement, sans rangs, pour limiter les contacts. Les récrés seront échelonnées.

Le respect de la distance dans le périmètre scolaire est d’ailleurs un point d’inquiétude. Les responsables «comptent sur le bon sens des parents» pour ne pas stationner près des entrées notamment, expose le syndic du Châtelard et membre du comité de l’Association des communes, David Fattebert. Et d’espérer que tous n’amèneront pas leurs enfants en voiture, sinon «il faudra faire attention aux risques d’accidents».

Peu de craintes parentales

Egalement père de famille, le syndic se dit confiant pour cette rentrée et ne relève pas de grandes appréhensions parmi les parents de sa région. Une sérénité qui semble se vérifier dans d’autres districts. Comme à Courtepin, où Nathalie Genilloud, présidente du Conseil des parents, note que les seules craintes concernent d’éventuelles lacunes dans le suivi scolaire. «Côté santé, je crois que c’est inclus dans les pratiques au quotidien.»

Mais par pour tous… «Des parents m’ont dit leurs craintes au niveau sanitaire, j’ai essayé de les rassurer», expose Isabelle Colliard, présidente de la Fédération des associations des parents d’élèves du canton de Fribourg.

Une maman bulloise espère ainsi «un plan de protection offrant des certitudes». Estimant ce retour précipité, elle craint que le respect des distances ne soit supprimé au-delà du 25. Mais la porte-parole de la DICS de noter: «Il n’y a pas d’exigence de distance sociale dans les classes entre élèves pour l’école obligatoire. La distance entre enseignants et élèves demeure, en revanche.»

Autre problème soulevé, celui des enfants dont les parents sont à risques, et des enseignants: comment seront gérés les cours? «Les enseignants à risque seront affectés à d’autres tâches, et à la poursuite de l’enseignement à distance pour les élèves qui ne pourront pas revenir», informe la porte-parole.

Des enseignants dont le travail est salué par certains, à l’instar d’Anne Oberson, maman de quatre enfants: «Les maîtresses ont très bien expliqué, nous avions le programme jour par jour, elles ont été super! C’est bien que les enfants puissent reprendre, car plus on attend, plus les inégalités se creusent entre scolarisés à la maison. Ces quelques jours seront plutôt de la socialisation –, avec toutes les règles d’hygiène cela ira moins vite. On verra en juin. Mais ça leur fera du bien de revoir du monde!»


Les crèches naviguent à vue

Le retour à l’ordinaire pour les crèches s’accompagne d’incertitudes en matière d’effectifs et de finances.

Les crèches vont se repeupler lundi. «La notion de parents prioritaires disparaît», explique Micheline Guerry-Berchier, secrétaire générale de l’Association des communes fribourgeoises. Impossible toutefois de savoir à quel rythme ces structures d’accueil vont se remplir. Directeur du réseau Pop e poppa, qui regroupe 54 crèches en Suisse, dont quatre dans le canton de Fribourg, Frédéric Baudin Maissen comptait hier un taux de remplissage moyen de 35% de ses crèches affiliées.

«Lundi va être une découverte pour tout le monde», confie Stéphane Quéru, chef du Service de l’enfance et de la jeunesse du canton de Fribourg. Comme lui, personne n’est en mesure d’évaluer l’impact des choix des parents entre ceux qui, par exemple en télétravail, renonceraient à remettre leur enfant à la crèche, et ceux qui, à l’inverse, se tourneraient vers les crèches, alors qu’ils recouraient avant la crise à la garde par les grands-parents. «On s’attend à avoir un peu plus de demandes de parents qui plaçaient leurs enfants chez les grands-parents», estime Valérie Ugolini, responsable du Chaperon rouge, un service de garde d’urgence de la Croix-Rouge fribourgeoise. «On aura des surprises entre les parents qui ont peur ou qui restent en télétravail», observait aussi Christelle Balsiger, directrice de la crèche Casse-Noisettes à Romont.

La rentrée de lundi correspond également au retour des facturations aux parents. A l’exception de ceux à risque dont le certificat médical attesterait de l’impossibilité d’utiliser l’accueil extrafamilial de jour. «Par contre, nous ne savons pas combien d’enfants seront concernés, et comment nous serons remboursés», explique Christelle Balsiger. Dans l’immédiat, les crèches fribourgeoises tiennent le coup financièrement, grâce aux versements de l’Etat et des communes, ainsi qu’aux réductions d’horaire de travail (RHT). Le soutien financier au maintien de places d’accueil extrafamilial se poursuivant jusqu’à la fin du mois, selon l’ordonnance en vigueur. «Aucun cri d’alarme n’est parvenu chez nous quant à la survie des structures», assure Stéphane Quéru. La situation peut en revanche s’avérer plus délicate parmi les salariés au chômage partiel. «Ce n’est pas évident, car on a de petits salaires dans la branche», remarque Christelle Balsiger.

L’inquiétude des acteurs s’inscrit aussi sur le long terme. «La période de janvier à juin est la meilleure en matière de taux d’occupation. Les réserves gagnées pourraient manquer pour les périodes plus creuses», prévient Frédéric Baudin Maissen. «Les mois de février à mai permettent d’éponger l’été», confirme la directrice de la crèche Casse-Noisettes, qui accueille environ 170 enfants par semaine. Elle estime à 60 le nombre d’enfants qui quittent chaque année sa crèche entre juin et juillet pour rejoindre l’école. Autant de têtes blondes qui ne sont remplacées qu’entre septembre et octobre. Aussi table-t-elle sur la rentrée, qui affiche complet. «Les prévisions sont bonnes. Pour le moment, je touche du bois», se rassure-t-elle. Personne ne sait non plus pour l’heure quand et comment sera distribuée l’aide fédérale de 65 millions de francs aux crèches. Frédéric Baudin Maissen appréhende néanmoins le spectre du chômage qui pourrait se présenter à la rentrée: «L’une des premières charges que coupe une famille touchée par le chômage est la crèche.»

En attendant, on se prépare pour lundi. Avec le défi de l’accueil des parents. «Nous avons organisé trois entrées différentes, dans l’espoir qu’il ne se forme pas une file d’attente dans la rue», détaille Christelle Balsiger. Charles Grandjean

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