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Canton

Quel vent a amené les cormorans?

Le cormoran, qui inquiète les pêcheurs, niche depuis 2001 sur la rive sud du lac de Neuchâtel


Zoé Lüthi

Zoé Lüthi

19 août 2019 à 21:42

Faune » Filets endommagés et prises volées: les pêcheurs pointent du doigt le grand cormoran comme responsable de leurs malheurs. Cette thématique est devenue si aiguë qu’ils pourront acquérir un permis spécial pour tirer les spécimens qui s’approchent de leurs filets dès 2020. Mais d’où vient cet oiseau d’eau?

Lire aussi » Le cormoran dans le viseur politique (28.06.2019)

Tout de noir vêtu, le grand cormoran hiverne autour du lac de Neuchâtel depuis toujours. Puisqu’il est d’ores et déjà persécuté pour sa consommation de poisson, l’Europe le protège dès 1979. Mais comme il n’est pas menacé d’extinction, on peut le tirer à certaines périodes. L’effectif survolant la Suisse augmente petit à petit, jusqu’à ce qu’en 2001, deux couples restent nicher dans la réserve naturelle du Fanel, entre Anet et Cudrefin au bord du lac de Neuchâtel.

« La présence de cormorans est le signe de la bonne santé globale du lac »

François Turrian

Pourquoi ces quatre individus ont-ils décidé de se sédentariser? Les spécialistes ne peuvent pas le dire exactement. Peut-être en raison du cadre particulièrement propice aux colonies? Les cormorans bâtissent leurs nids à même le sol ou dans les arbres, mais toujours près de l’eau et au calme, loin des humains dont ils ont peur. Leur nidification est plutôt de bon augure, puisqu’elle est «le signe de la bonne santé globale du lac», autrement dit des eaux propices aux bancs de poissons et un littoral laissé naturel.

1059: Le nombre de couples de cormorans autour du lac de Neuchâtel en 2019

La rive sud semble donc convenir et la population nicheuse a bien augmenté. Selon Christophe Sahli, ornithologue pour l’association de la Grande Cariçaie à Champ-Pittet, 2200 couples ont élu domicile en Suisse, dont environ 1059 autour du lac de Neuchâtel en 2019. Ce nombre est toutefois en baisse: on en dénombrait 291 de plus en 2018. François Turrian, directeur romand de Birdlife, considère qu’il s’agit d’une fluctuation naturelle. L’écosystème pourrait être arrivé à pleine capacité pour ces hôtes décriés.

Des conditions optimales

D’après le spécialiste, la Grande Cariçaie représente un véritable «sanctuaire international pour les oiseaux d’eau». La rive sud du lac de Neuchâtel regroupe un quart de la faune suisse et beaucoup de volatiles viennent s’y reposer. Christophe Sahli observe notamment des harles bièvres et des grèbes huppés parmi les espèces piscivores. La prospérité du cormoran serait aussi due aux déchets de pêche jetés par-dessus bord, selon François Turrian. Bien qu’illégale, la pratique serait tolérée.

Un autre élément explique l’abondance de cormorans: ils n’ont que peu de prédateurs naturels. Lorsqu’ils nichent à même le sol, ce qui n’est plus le cas depuis 2015 dans la réserve, les rats leur dérobent leurs œufs. Depuis quelque temps, des hiboux grands ducs, une espèce strictement protégée, s’emparent aussi de leurs oisillons. Dans les arbres fragilisés par leurs déjections, les nids peuvent être endommagés par la bise. C’est probablement l’une des raisons expliquant la diminution de l’effectif cette année, selon Christophe Sahli. La preuve pour François Turrian que «la nature se régule d’elle-même».

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