Logo

Canton

Quand naissance rime avec violence

Actes médicaux non consentis, manque d’humanité lors de leur accouchement, elles témoignent


 Stéphanie Schroeter

Stéphanie Schroeter

13 juin 2019 à 17:59

Témoignages » Violences obstétricales. Deux petits mots pour de grandes souffrances. Deux mots souvent méconnus du grand public. Parce que le sujet est tabou. Parce que les violences gynécologiques et obstétricales font référence à toutes les formes de maltraitances avant, pendant et après l’accouchement. Mais quand peut-on parler d’actes médicaux «anormaux», de prise en charge défaillante? Tabou, le sujet est aussi et surtout délicat car, face à la violence que peut constituer une naissance, la perception de chacune est différente.

«On m’a refusé une césarienne. Forceps, -ventouses, ça n’a pas marché. C’était le carnage...»

Odile*

Il n’empêche, une femme sur trois, en Suisse, affirme avoir été traumatisée par son accouchement en raison d’une prise en charge inadéquate. Les violences obstétricales ont pris une tournure politique en décembre dernier lorsque l’ancienne conseillère nationale socialiste Rebecca Ruiz a demandé des données au Conseil fédéral. En France, le sujet a été mis sur le devant de la scène grâce à un récent rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes.

Quelles maltraitances?

«On ne nous explique rien, on fait des choses sur notre corps sans demander», raconte Odile* qui a vécu l’enfer à la naissance de son unique enfant. C’était il y a sept ans. «Le poids de mon bébé, plus de 4 kilos, a été sous-évalué. On m’a refusé une césarienne. Forceps, ventouses, ça n’a pas marché. C’était le carnage.» A la suite de complications, Odile est transportée d’urgence dans un autre hôpital. «On m’a dit que ce qui s’était passé n’était pas normal. Non, ce n’était pas normal! Avec mon mari, nous ne voulons pas revivre ça.»

La liste des maltraitances couvre un large éventail. Des actes médicaux imposés ou non expliqués, comme l’épisiotomie, qui consiste à inciser en partie le périnée pour faciliter le passage du bébé. Cette pratique, longtemps réalisée de manière systématique lors des accouchements par voie basse, n’est aujourd’hui réservée qu’aux situations urgentes.

Il y a les mots blessants ou déplacés aussi, intentionnels ou non, des refus de traitement ou violences sexuelles comme des touchers vaginaux répétés, entre autres. Des gestes et une absence d’humanité parfois traumatisants mais toujours présents au fil des témoignages. Des mots, enfin, pour libérer une parole souvent ignorée et pour éviter une banalisation ou une minimisation de pratiques longtemps tolérées.

«Madame, calmez-vous!»

Revendiquer le droit à disposer de son corps dans ce moment très intime qu’est l’accouchement, voilà ce que demandent de nombreuses femmes. Comme Marie*. Cette Fribourgeoise mère de quatre enfants évoque l’infantilisation, le manque d’écoute et les remarques blessantes. La froideur, des gestes mécaniques. «Lorsque j’ai accouché la première fois, j’avais 24 ans, c’était l’inconnu. On m’a lâché cette phrase que je n’oublierai jamais: «Madame, vous avez dix minutes pour vous calmer sinon votre bébé sera en souffrance fœtale.» Puis on m’a oubliée deux heures dans la salle d’accouchement après la naissance…»

Clara*, jeune maman broyarde, dénonce quant à elle l’attitude «inappropriée» d’un médecin qui sans la prévenir lui a introduit son doigt dans l’anus. «Alors que toutes les sages-femmes ont été super en me prévenant à chaque fois qu’elles faisaient un geste médical.»

Consentement primordial

De tels témoignages, l’association vaudoise (RE)Naissances en reçoit fréquemment. Créée en 2016 par un groupe de mamans, elle a pour objectif de soutenir les personnes concernées par un vécu douloureux autour de la naissance et/ou d’une grossesse, encourager les échanges et l’entraide. «Et aussi de favoriser la communication entre les patients et le personnel soignant», explique Carine Pittet, un des membres fondateurs. Et de souligner: «Le consentement est primordial, même en cas d’urgence. C’est une des périodes les plus vulnérables qu’une femme puisse vivre. Il faudrait que tout soit fait pour que la naissance reste un beau moment!»

» Infos sur www.re-naissances.com

*Prénoms d’emprunt

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus