Quand les paysans défilaient à Berne
Un historien fribourgeois s’est penché sur les manifestations paysannes durant les Trente Glorieuses
Partager
Charles Grandjean
16 mai 2021 à 20:20
Guillaume Savoy » Si l’histoire a vocation à éclairer le présent, alors la parution le 25 mai prochain de Protester pour exister! Les manifestations paysannes en Suisse (1954-1961-1973) semble tomber à point nommé, à moins d’un mois d’un scrutin crucial pour l’agriculture. A l’origine de l’ouvrage publié dans la collection «Aux sources du temps présent», le mémoire de master de Guillaume Savoy, diplômé de l’Université de Fribourg en 2015.
L’auteur y étudie trois manifestations paysannes qui se sont tenues sur la place Fédérale à Berne, les 9 mai 1954, 17 novembre 1961 et 15 novembre 1973. Trois épisodes illustratifs du glissement progressif d’une paysannerie de subsistance, glorifiée durant la guerre et son plan Wahlen, vers un fragile modèle de production dicté par l’Etat, sacrifiant capital humain et petites exploitations. Le récit est révélateur d’une crise identitaire du monde paysan.
Initiative fribourgeoise
L’historien rappelle qu’au sortir de la guerre, le paysan «maintient durant un temps son image de héros de la patrie dans la perception populaire de la défense spirituelle».
Sauf que la loi sur l’agriculture de 1951 ne tiendra pas sa promesse de garantir une parité des revenus entre l’agriculture et d’autres secteurs qui bénéficient des retombées de la croissance. L’annonce du Conseil fédéral de baisse du prix du lait, le 1er mai 1954, sur fond de surproduction, met le feu aux poudres. Ce passage de 39 à 38 centimes par litre est ressenti comme une trahison par les producteurs.
Décortiquant les archives des organisations paysannes, l’historien met au jour hésitations et tiraillements des acteurs, jusqu’à lézarder l’unité de façade de la paysannerie. Ainsi, la proximité de l’Union suisse des paysans – l’USP compte encore 540 000 membres en 1950 – avec les partis bourgeois et les représentants de l’industrie l’empêche d’envisager l’acte de manifester. Surtout dans un contexte de guerre froide imprégné d’anticommunisme. Guillaume Savoy montre alors comment l’Union des paysans fribourgeois (UPF), «pourtant fidèle membre de l’USP», se retrouve principale instigatrice de la Marche sur Berne de 1954.
Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus