Même sans initiative, les rives du lac de la Gruyère sont déjà non-constructibles

Eaux » La population se prononcera à l’horizon 2024 sur l’initiative «Sauvez Les Laviaux» qui veut faire inscrire, dans la Constitution fribourgeoise, la protection du lac de la Gruyère, de ses abords et de l’ensemble de ses rives. Lors de la dernière assemblée de l’Association régionale La Gruyère, le préfet Vincent Bosson soulignait que ce but devrait être atteint avec les nouvelles bases légales de l’espace réservé aux eaux (ERE). La Liberté s’est plongée dans cette législation.

L’ERE définit un corridor dans lequel aucune nouvelle construction n’est admise le long des cours d’eau et autour des lacs. Appliqué depuis 20 ans dans le canton, le principe de cet espace minimal est ancré depuis 2009 dans la loi cantonale. Depuis la modification de la loi fédérale sur la protection des eaux (LEaux), le canton a dû revoir sa méthode de délimitation et s’est doté d’une directive en 2019. Réactualisées par le Service fribourgeois de l’environnement (SEn), les nouvelles données ont été publiées à la mi-décembre sur le portail cartographique du canton (lire ci-après). «La délimitation d’un ERE pour le lac de la Gruyère n’est pas une nouveauté. Des précisions sur la largeur ont toutefois dû être apportées», indique Christophe Joerin, chef du SEn.

L’Unique autrement

La directive prévoit qu’un espace de 15 mètres (20 mètres dans les sites protégés) soit délimité autour des lacs, depuis la ligne de rive qui correspond pour le lac de la Gruyère à la cote d’exploitation maximale de 677 msm. A ces 15 mètres s’ajoute une limite de construction de 4 mètres, soit en tout 19 mètres dans lesquels aucune nouvelle construction n’est admise. «Aucune dérogation n’est accordée pour l’ERE ou la limite de construction, en dehors de celles prévues par la loi notamment pour des constructions dont l’emplacement est lié à leur destination ou pour des cheminements pédestres et agricoles», précise le chef du SEn.

Sur le pourtour du lac, bon nombre de bâtiments existants se retrouvent dans ce corridor sans être menacés. Les constructions déjà présentes bénéficient en effet de la garantie de la situation acquise.

«En ce qui concerne la modification d’un bâtiment existant, elle est généralement possible mais il se peut qu’elle ne puisse pas être admise, notamment s’il s’agit d’un changement d’affectation ou d’une construction n’ayant pas fait l’objet d’un permis de construire. Chaque situation sera traitée au cas par cas. Il n’y aura pas de mise en conformité systématique», précise Christophe Joerin.

Construit en 2007 avant l’entrée en vigueur de la loi cantonale, le restaurant L’Unique, au bord du lac à La Roche, se retrouve en partie dans cet espace non constructible. L’établissement n’aurait-il pas pu voir le jour avec les nouvelles normes? «Il aurait probablement pu être construit, mais dans une autre configuration», estime Christophe Joerin qui rappelle que «seules peuvent être autorisées dans l’ERE les infrastructures d’intérêt public imposées par leur destination». C’est le cas des ports qui ne peuvent pas être construits ailleurs que sur la rive.

Goya Onda à l’examen

Quand bien même le texte de l’initiative ne le mentionne pas directement, le projet de vague artificielle Goya Onda à Morlon est clairement visé par les initiants. Le SEn précise que les porteurs du projet ont tenu compte de l’ERE actualisé. La création d’un bassin de surf, de vestiaires, d’un shop et d’un snack-bar est projetée au large des rives dans le domaine public des eaux ainsi que la construction d’un bâtiment sur la presqu’île de Morlon. Si ces infrastructures sont prévues en dehors de l’ERE, la fin de la digue et les accès piétonniers traverseront le corridor pour rejoindre le sentier du lac. Des bassins pour les poissons et batraciens sont aussi prévus dans cet espace non constructible.