La gare aura ses ascenseurs

Transport » «C’est une victoire!» Martin Cotting a le sourire. Le président du Club en fauteuil roulant Fribourg était l’un des opposants au projet de réaménagement de la gare de Fribourg. L’absence d’ascenseurs permettant aux personnes à mobilité réduite d’accéder aux quais se trouvait à l’origine de leur combat.

Après une bataille de plus d’un an, les opposants ont obtenu gain de cause. Leur succès prend la forme d’une convention, qui vient d’être signée. Dans ce document, dont La Liberté a obtenu une copie, les CFF s’engagent «irrévocablement» à modifier le projet, en réalisant et en finançant quatre ascenseurs, qui permettront d’accéder à tous les quais.

Financement fédéral

L’ex-régie fédérale devra envoyer des plans complémentaires à l’Office fédéral des transports (OFT), qui délivre les autorisations de construire. Le feu vert devrait être donné dans le courant de l’année prochaine. «La Confédération financera ces ascenseurs. L’OFT s’est engagé dans ce sens», précise Michael Müller, porte-parole de l’OFT. Le Conseil fédéral a déjà approuvé le versement d’une contribution d’environ 110 millions de francs pour la transformation de la gare de Fribourg. «Il reste encore à voir si ce montant suffira ou si un crédit supplémentaire sera nécessaire», note le porte-parole de l’OFT.

Le coût de l’aménagement des installations n’est pas précisé. Il serait estimé à moins d’un million de francs. Les ascenseurs prendront place dans le nouveau passage sous-voies qui reliera l’Esplanade de l’Ancienne-Gare au carrefour de Richemond (à l’intersection des avenues du Midi et de Beauregard) ainsi qu’à l’avenue du Midi. La localisation de l’ascenseur qui permettra l’accès au quai 1 reste à déterminer.

Le réaménagement de la gare de Fribourg a été mis à l’enquête en octobre 2019. Les travaux, qui doivent se dérouler entre 2021 et 2024, comprennent la création d’un second passage sous-voies, ainsi que le réaménagement des quais. Objectif: augmenter la capacité d’accueil de la gare et faciliter l’embarquement dans les trains des personnes à mobilité réduite.

Rampes trop raides

Le problème: les CFF prévoyaient un accès aux quais uniquement au moyen de rampes de plus de 50 mètres de long, avec une pente de 10 ou 12%. «L’absence d’ascenseur revenait à interdire l’accès aux personnes en chaise roulante, lance Martin Cotting. Des rampes aussi longues et aussi pentues sont impossibles à monter en chaise roulante sans finir hors d’haleine. Il est impossible d’arriver en haut seul avec un bagage, et je ne parle pas des risques de chute à la descente», témoigne celui qui est paraplégique depuis l’âge de 18 ans.

Les opposants estimaient que l’absence d’ascenseur posait des problèmes en termes d’autonomie d’utilisation: un principe ancré autant dans la loi sur l’égalité pour les handicapés (LHand) que dans la convention de l’Organisation des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, ratifiée par la Suisse. De leur côté, les CFF faisaient valoir que leur projet respectait les normes de l’OFT. Une pente de 6% est en général préconisée par la LHand et la Société suisse des ingénieurs et des architectes, qui admet des exceptions jusqu’à 12%. Les rampes de la gare de Fribourg se situent aujourd’hui à 12%. «Si on maintient des obstacles dans une rénovation d’une telle importance, tout l’environnement construit continuera d’être inaccessible», commente Cyril Mizrahi, avocat d’Inclusion Handicap.

La faîtière des organisations de personnes handicapées en Suisse faisait partie des opposants au projet de transformation de la gare, au même titre que le Club en fauteuil roulant Fribourg, Pro Infirmis et Pro Senectute Fribourg, l’architecte Daniel Savary (par ailleurs président de la Commission fribourgeoise des barrières architecturales), ainsi que Francis et Geneviève Godel, à titre privé. Tous se félicitent de l’issue favorable et relèvent la progressive ouverture des CFF. «Ces ascenseurs serviront autant à une personne en fauteuil roulant qu’à quelqu’un qui s’est cassé une jambe ou à des parents avec une poussette. Une gare moderne doit comprendre des ascenseurs», estime Giovanna Garghentini Python, directrice cantonale chez Pro Infirmis, qui espère que la bataille menée à Fribourg servira d’exemple.

La ville de Fribourg, elle, n’avait pas fait opposition. «Nous collaborons avec les CFF dans ce projet. Mais tout au long du processus, nous avons rendu attentif au fait que le manque d’ascenseur était problématique», note la conseillère communale Andrea Burgener Woeffray, chargée du dossier. De leur côté, les CFF ne détaillent pas les raisons qui les ont poussés à revoir leur position. «Après évaluation et nouvelles ententes, les CFF optent pour une amélioration de la qualité d’accès à la gare», se contente d’indiquer Ottavia Masserini, porte-parole. La compagnie estimait par ailleurs initialement que la configuration étroite de la gare de Fribourg ne permettait pas l’aménagement à la fois de rampes et d’ascenseurs pour relier les quais.

Cas similaire à Bulle

Le dossier a conduit au dépôt de deux interpellations à Berne par les Bulloises Marie-France Roth Pasquier (pdc), au Conseil national; et Johanna Gapany (plr), au Conseil des Etats. Le Conseil fédéral a répondu aux deux textes, cosignés par tous les parlementaires fribourgeois, qu’il était disposé à revoir les prescriptions pour l’accès aux quais dans les gares et à fixer des critères pour le financement d’ascenseur.

Le cas de Fribourg n’est pas isolé. A Bulle, la commune a dû intervenir pour faire modifier le projet initial qui ne prévoyait pas d’ascenseur. L’OFT vient d’accepter une modification du projet de la gare du chef-lieu gruérien, actuellement en chantier. La question du financement reste ouverte. Des escaliers seront élargis pour permettre d’intégrer des élévateurs.