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Canton

Des étudiants aident les Romands

Un examen à blanc est organisé pour préparer l’entrée aux études de médecine à Fribourg

Sur les 120 places disponibles la première année de médecine, 80% sont occupées par des étudiants venant de cantons germanophones, selon un postulat de deux députés fribourgeois.

 Patrick Chuard

Patrick Chuard

4 mai 2022 à 04:01

Université » Le test d’aptitude éliminatoire pour entrer en première année de médecine à Fribourg discriminerait les candidats romands. C’est l’une des raisons avancées pour expliquer la prédominance d’étudiants alémaniques (56% en 2020, cursus de bachelor et de master confondus). Sur les 120 places disponibles la première année, «80% d’entre elles sont occupées par des étudiants venant de cantons germanophones», déplorait un postulat signé en décembre dernier par l’ancien député Michel Zadory (udc) et le médecin député Jean-Daniel Schumacher (plr).

Une solution est avancée aujourd’hui par cinq étudiants de troisième année: ils organisent un examen à blanc pour les francophones le 28 mai prochain. «Le niveau du test et les conditions seront comparables à ceux du véritable examen qui a lieu au début juillet», indique l’un d’eux, Julian Harbarth, de Genève. Ces mêmes étudiants ont décidé de mettre en ligne des exercices pour les tests afin que les postulants puissent s’entraîner: «Nous nous sommes calqués sur une démarche semblable qui est née à Zurich, et nous avons traduit le contenu du portail. Sur le site nc-wiki.ch, les candidats peuvent s’entraîner en français et de manière efficace.»

Par idéalisme

Par cette démarche purement bénévole, les étudiants espèrent aider les francophones qui se destinent à la médecine et combler une lacune. «Le test d’aptitude pour la sélection (appelé AMS), en cours à Fribourg et dans les facultés de médecine alémaniques, ressemble à un grand test de quotient intellectuel avec des notions scientifiques. Des sessions de préparation sont organisées dans plusieurs cantons alémaniques, mais elles sont en allemand et coûtent 1500 francs. Il faut compter environ 2000 francs avec les livres et les tests», indique Romain Denoël, du canton du Jura, également étudiant de troisième année. Rien n’existe de tel en Suisse romande. «Il y a bien trois livres de préparation en français, c’est d’ailleurs ceux qui sont proposés aux gymnasiens de Sainte-Croix, mais c’est insuffisant et les exercices ne sont plus à niveau.»

Romain Denoël explique qu’une étudiante jurassienne qu’il connaissait lui avait permis de se préparer efficacement en 2019: «Sans elle, je n’aurais peut-être pas réussi cet examen. Ce n’était quand même pas évident.» Quant à Julian Harbarth, parfaitement bilingue, il a passé l’examen en allemand à Berne, la même année: «J’ai pu faire la même préparation intensive que les Alémaniques et constater la différence de préparation.» Les étudiants ont décidé d’aider leurs futurs camarades «de manière gratuite et par idéalisme. Nous avons investi du temps mais pour un impact que nous espérons fort.»

La démarche est vivement saluée par Stéphane Cook, médecin-chef du Service de cardiologie de l’Hôpital fribourgeois (HFR): «Cette initiative est fantastique. Ces étudiants ont accompli un travail colossal et purement volontaire, en l’absence de réponse institutionnelle au problème», dit celui qui siège également au comité scientifique du test d’aptitude AMS de Swissuniversities. L’an dernier, il tirait la sonnette d’alarme sur le fait que les Romands étaient pénalisés, relevant que les scores des francophones étaient inférieurs de 24% à ceux des germanophones en 2020.

Le problème serait-il donc réglé? L’ancien député Michel Zadory admet que «le système mis au point par les étudiants est génial, mais il n’y a aucune garantie pour la survie de cette initiative. Y aura-t-il encore de bonnes âmes dans deux ou trois ans pour aider les futurs étudiants?» demande le Broyard, chirurgien orthopédique à la retraite. «Il faudrait que l’Etat pérennise ces efforts.» Pour Romain Denoël et Julian Harbarth, la démarche consiste «à garantir l’égalité des chances» plutôt qu’à faire drastiquement augmenter le quota de francophones dans la filière. «Les germanophones étaient spécialement nombreux dans notre volée, plus de 75% des effectifs en première année, mais cette proportion était exceptionnelle.»

Inversion en master

Une analyse de la situation devrait être fournie en réponse au postulat déposé au Grand Conseil (lire ci-dessous). En attendant, l’Université de Fribourg relativise la grande proportion d’Alémaniques dans le cursus. Les étudiants de langue allemande sont 61% dans les trois premières années de bachelor (380 personnes en 2021). Mais la proportion s’inverse pour le master, avec 61% de francophones sur 112 étudiants.

La prédominance germanophone «du début des études en bachelor ne va pas jusqu’au bout du fait que les étudiants ne restent pas à Fribourg», souligne Marius Widmer, porte-parole de l’université. Quant au nombre d’étudiants fribourgeois francophones, il demeure stable: 46 étaient francophones et 16 germanophones dans la filière bachelor en 2018. La proportion est respectivement de 50 et 21 en 2021. Au niveau du master, les Fribourgeois francophones sont 33 et les germanophones 8.

L’an dernier, l’Université de Fribourg relativisait la discrimination subie par les étudiants de l’ouest de la Sarine. «Pour trouver un éventuel avantage ou une discrimination, les deux populations devraient être comparables. Ce n’est pas le cas, puisque les francophones ont la possibilité de commencer leur première année de médecine sans devoir passer le test d’aptitude à Genève ou à Lausanne», avançait Marius Widmer.

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