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Les lettres à nos aînés

Chers aînés, évadons-nous!


15 avril 2020 à 04:01

Lettre à nos aînés» Chers condisciples confinés,

En cette ère de confinement, le concitoyen presque septuagénaire que je suis se doit d’être conséquent avec les mesures prises par le Conseil fédéral. Beaucoup de mots commençant par la même syllabe, vous l’avez sans doute remarqué. Ce n’est pas un hasard; je viens de retrouver le livre Les cons de Frédéric Dard, alias San Antonio. Je vous en conseille la (re)lecture, chers congénères, pour rire d’abord, c’est bon pour la santé, comme disait l’autre, mais aussi pour dénoncer, avec consternation, la connerie de ceux ou plutôt de celui qui affirme que 100 ou 200 mille morts, ce n’est pas si grave si l’économie reprend au plus vite… Pour s’insurger aussi contre l’inconscience de ceux qui ont décidé que le 19 avril, date on ne peut plus arbitraire, l’on devrait sortir du confinement ou encore, de ceux qui sont prêts à n’importe quels compromis pour que le football redémarre!

Au lieu de m’agiter le long des terrains, de courir le monde pour observer matches et joueurs, je me retrouve tout con… finé au milieu de cartons de livres à trier. Pas le temps de ressentir le spleen du moment présent! Mieux, se plonger dans Baudelaire: «Pour ne pas sentir l’horrible fardeau qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer, sans trêve – mais de quoi – de vin, de poésie ou de vertu, à votre guise.»

Oui, noyons-nous dans la richesse des mots et des sentiments de Baudelaire, enivrons-nous de vin avec modération bien entendu, enivrons-nous, sans compter, avec exagération même, de poésie et de vertu. J’y ajouterais de gratitude immense, indicible, incommensurable, pour tous ceux qui se battent, sans relâche, avec une force et un courage exemplaires, contre ce satané virus et qui font que la vie continue.

Poésie, vertu, gratitude, solidarité, des mots que l’on avait parfois oubliés, remplacés, croyait-on à tout jamais, par croissance, bénéfices, dividendes, délocalisations, globalisation, production, rentabilité, devenus le lexique préféré des poètes des «Temps modernes». Revoir aussi Charlie Chaplin, débordé le long de sa chaîne de production, n’était-ce pas prémonitoire? Hilarant, peut-être, pas seulement?

«Poétisons», nourrissons-nous de littérature, Camus, par exemple, La Peste, abreuvons-nous de cinéma, assourdissons-nous de musique, Brassens et son vocabulaire fleuri, bien sûr! Chers aînés, évadons-nous, sautons les murs de ce confinement grâce à ces créateurs immortels, magiciens des mots, des images et des sons. Confinons-nous en mode plaisir!

Prenons soin de nous car nos enfants et petits-enfants ont encore besoin de leurs grands-papas ou grands-mamans, de leurs Nanou ou Papou.

Bernard Challandes Sélectionneur de l’équipe de football du Kosovo, La Chaux-du-Milieu


» Cette opération de solidarité est lancée de concert avec d’autres quotidiens régionaux de Suisse romande: Le Quotidien Jurassien dans le Jura, Arcinfo à Neuchâtel, Le Journal du Jura (Berne francophone) et Le Nouvelliste, en Valais. La Côte, basée à Nyon, et le magazine Générations se sont également joints au mouvement.

Mais la solidarité ne se confine évidemment pas aux seules rédactions. C’est pourquoi nous vous lançons un appel, à vous, chers lecteurs: écrivez vous aussi votre lettre à nos aînés et faites-nous la parvenir par courriel à l’adresse suivante: redaction@laliberte.ch. Nous publierons les plus belles dans nos prochaines éditions.

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