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Adria Leboeuf est une chercheuse de l'Université de Fribourg au profil atypique, qui mêle recherche et improvisation

A l’Université de Fribourg, Adria Leboeuf étudie les fourmis et est une neurobiologiste qui sort vraiment de l’ordinaire

Née en Californie, Adria Leboeuf dirige un laboratoire à l’Université de Fribourg. © Charly Rappo

Lise-Marie Piller

Lise-Marie Piller

30 octobre 2023 à 21:00

Temps de lecture : 1 min

Sciences » Des fourmis! Des fourmis partout! Elles grimpent le long de l’entrée, occupent les étagères, les murs, la bibliothèque… Pas de panique, ce ne sont que des répliques géantes ou des dessins. Mais au fond du laboratoire appartenant au Département de biologie, sur le site universitaire de Pérolles, on trouve une métropole version insecte. Chaque colonie a sa boîte, soigneusement rangée. Y vivent des fourmis du monde entier, certaines à l’arrière-train brillant et coloré venant du désert.

Les fourmis créent un métabolisme à l’échelle de la colonie

La maîtresse des lieux a pour nom Adria Leboeuf. Cette neurobiologiste âgée de 40 ans est comme une tornade de confettis dans la froideur automnale. Converser avec elle, c’est se sentir gonflé à bloc, croire que tout est possible, un peu comme si on avait bu un triple expresso – l’effet pile électrique en moins. Celle qui est née en Californie arrive toujours à glisser un trait d’humour, des gestes ou une mimique qui font rire. Ce n’est pas pour rien que son mari français Samuel Lagier la qualifie d’aimant, tout en prévenant gentiment: «Mon point de vue est forcément subjectif… très favorable. Mon épouse est enthousiaste, curieuse, aime partager et inclure les gens.»

De Fribourg à Cambridge

Mais aujourd’hui, le sourire cache un cœur serré. Le poste d’Adria Leboeuf disparaîtra à la fin de l’année en raison d’un financement du Fonds national suisse arrivé à échéance, comme elle l’explique. La professeure assistante posera dès janvier ses valises à la prestigieuse Université de Cambridge en Angleterre, où elle a décroché un poste fixe. Certains songeraient qu’elle a l’habitude. Après tout, n’a-t-elle pas fait un saut XXL en quittant New York pour… Lonay (VD) et un postdoctorat à l’Université de Lausanne? N’a-t-elle pas vécu en Israël durant deux ans pour un autre postdoctorat? Mais Fribourg a les douces senteurs du foyer: «Le meilleur marché que j’ai trouvé en Suisse est ici. Il y a beaucoup de choses étranges, comme la descente en luge en Basse-ville ou les 12 heures de l’Auge, que je trouve in-cro-ya-bles. C’est aussi ici qu’est née ma fille Gaïa (aujourd’hui âgée de 4 ans, ndlr).»

 

Bio-express

1982 Naissance à Santa Cruz en Californie (USA)

2005 à 2011 Doctorante à la Rockefeller University à New York (USA)

2011 à 2016 Postdoctorante à l’Université de Lausanne

2012 Fondation de la troupe d’improvisation The Catalyst à Lausanne

2013 Mariage avec Samuel Lagier

2014 Finaliste du Prix Early Career Award, Public Engagement with Science, décerné par l’Association américaine pour l’avancement des sciences

2017 à 2019 Postdoctorante au Weizmann Institute of Science à Rehovot (Israël)

2019 Naissance de Gaïa

2019 à 2023 Professeure associée et directrice de laboratoire à l’Université de Fribourg

 

Reste que la jeune quadragénaire laissera une trace peu commune: une troupe d’improvisation composée de scientifiques, qu’elle avait fondée à Lausanne en 2012 et qui existe toujours. Le groupe avait atteint une telle renommée qu’il jouait à guichets fermés avant que la pandémie ne s’en mêle. Il faut dire qu’Adria Leboeuf avait déjà lancé un tel concept à New York et rencontré par ce biais Samuel Lagier, venu par curiosité. Car l’impro et le monde scientifique ne font pas le grand écart à ses yeux: «Dans la recherche, il est important de savoir vulgariser, autrement dit de créer des histoires et de prendre le public par la main pour lui expliquer les choses. On peut ainsi obtenir des bourses, des postes… Il s’agit aussi d’utiliser des métaphores, en comparant par exemple les fourmis reines à des ovaires et les ouvrières aux autres cellules du corps, qui soutiennent la reproduction. C’est justement ce que nous apprenons à faire au théâtre d’improvisation.»

Cette vocation ne sort pas de nulle part. Adria Leboeuf se rêvait comédienne: «Petite, j’étais la star. J’aimais chanter, faire du théâtre, puis mes deux frères Remy et Pascal – de vrais jumeaux – m’ont volé la vedette. Ils font de la musique et ont été nominés aux Grammy awards», raconte celle qui a fini par suivre les traces de ses parents chercheurs en biologie. Une prise de conscience, à 16 ans, a aidé: «J’ai compris que nos émotions s’ancrent dans nos gènes, qui nous manipulent. Par exemple, quand nous sommes en colère, le cerveau croit qu’il y a un problème et qu’il faut faire quelque chose pour se sentir mieux. Je me suis ensuite demandé comment les gènes agissaient chez les animaux telles que les fourmis.»

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