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Religions

Persécution des chrétiens en hausse

La violence envers les chrétiens et le contrôle sur les Eglises s’accroît dans le monde, selon une étude


Lucienne Bittar, CATH.CH

Lucienne Bittar, CATH.CH

21 janvier 2023 à 02:01

Index mondial » Plus de 360 millions de chrétiens souffrent aujourd’hui dans le monde d’un niveau «élevé», voire extrême, de persécution et de discrimination en raison de leur foi. Au moins 5621 d’entre eux ont été tués sur cette base entre le 1er octobre 2021 et le 30 septembre 2022, période que couvre le nouvel Index mondial de persécution 2023 de l’ONG internationale Portes Ouvertes.

Cette ONG est au service de l’Eglise persécutée depuis plus de 65 ans. Présente dans 71 pays – dont la Suisse, où ses membres font office de caisse de résonance et de base de mobilisation –, elle établit depuis 30 ans un index annuel de la persécution des chrétiens. Pour Portes Ouvertes, la situation ne laisse pas de place au doute: la persécution des chrétiens dans le monde a augmenté de façon alarmante ces dernières années.

Ainsi, en 1993, les chrétiens qui étaient exposés à un niveau de persécution «élevé» à «extrême» se concentraient dans 40 pays. Ce chiffre a presque doublé, avec 76 pays en 2023. Un chrétien sur sept dans le monde est gravement exposé à la discrimination en raison de sa foi.

Kim, seul «dieu» coréen

Suite à l’introduction de la nouvelle «loi sur les idées réactionnaires», la Corée du Nord reprend la tête des pays où il ne fait pas bon vivre quand on est chrétien. Davantage d’églises domestiques ont été découvertes et de chrétiens arrêtés, donc exécutés ou internés à vie dans des camps pour prisonniers politiques «où les détenus meurent presque de faim, sont torturés et subissent des violences sexuelles», précise dans son rapport Portes Ouvertes.

«Les chrétiens ont toujours été en première ligne des attaques du régime. En Corée du Nord, il ne peut y avoir qu’un seul Dieu, et c’est la famille Kim», explique Timothy Cho, un réfugié nord-coréen.

A la suite de la prise de pouvoir par les talibans, qui ont assassiné de nombreux chrétiens à cause de leur foi à partir d’août 2021 et poussé quelques milliers d’autres à fuir, l’Afghanistan avait pris la première place de l’index 2022. L’année dernière, en revanche, le nombre d’actes de violence documentés est resté plus faible. Les talibans se sont plutôt concentrés sur l’exécution de ceux qui avaient des liens avec l’ancien régime. Le pays dépendant fortement de la présence étrangère, l’appartenance religieuse des étrangers n’a plus été aussi étroitement surveillée.

Violence subsaharienne

En revanche, la vague de violence religieuse qui a pris naissance au Nigeria (6e pays du classement) avec les militants islamistes continue de déferler sur l’Afrique subsaharienne et prend pour cible les populations chrétiennes du Burkina Faso, du Cameroun, du Mali et du Niger à une échelle alarmante. Toute la région est déstabilisée.

«Ce niveau de persécution religieuse en hausse indique la mauvaise santé démocratique des Etats de la région, leur faiblesse, leur faillite ou leur virage autoritaire, souligne Portes Ouvertes. Lorsque la liberté religieuse s’éteint, les autres droits, en effet, la suivent généralement.»

Cette fragilité générale a favorisé l’expansion du djihadisme, 26 pays de la région affichant un niveau de persécution très élevé. Ainsi le Mozambique, la République démocratique du Congo et d’autres pays présentent des signes évidents de propagation du djihadisme.

Un dangereux déni

«Toute la région se dirige vers une catastrophe», explique Frans Veerman, directeur du département de recherche de Portes Ouvertes. «L’objectif de l’Etat islamique et des groupes qui lui sont liés est, à terme, d’établir un califat islamique sur tout le continent. Ce ne sont pas seulement les gouvernements africains qui refusent de faire face à la véritable nature de cette épuration à caractère religieux, mais tous les gouvernements. Le prix de ce refus est incalculable, pas seulement pour l’Afrique, mais pour le monde entier.»

La violence religieuse en Afrique subsaharienne reste la plus extrême au Nigeria, où les combattants Peuls, de Boko Haram, de l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP) et d’autres groupes islamistes attaquent, tuent, mutilent, violent et enlèvent des membres des communautés chrétiennes pour les rançonner ou les réduire en esclavage sexuel. Le nombre d’homicides motivés par la religion au Nigeria est passé de 4650 en 2021 à 5014 en 2022, soit 89% du total mondial.

Contrôle des Eglises

«Les régimes autocratiques comme la Chine (16e place du palmarès) misent sur un contrôle total de toute vie ecclésiale, qu’ils veulent étouffer par des lois strictes et un nationalisme idéologique», peut-on lire dans l’index 2023. Une loi de mars 2022 n’autorise que les Eglises et les ONG disposant d’une licence, et donc se conformant à l’idéologie en place, à diffuser des contenus religieux sur internet. L’accès aux services religieux en ligne, qui se sont multipliés depuis la pandémie, ainsi qu’au matériel pédagogique chrétien et à la Bible est ainsi interdit à de nombreux chrétiens. Les contrevenants sont passibles de lourdes peines de prison.

En Inde (11e place), les chrétiens sont soumis à des arrestations arbitraires et risquent jusqu’à 10 ans de prison, en raison de lois anticonversion appliquées actuellement dans 12 Etats. Au cours de la période de référence, plus de 1700 chrétiens ont été emprisonnés pour ce motif.

Portes Ouvertes observe aussi avec inquiétude l’autoritarisme croissant de plusieurs gouvernements d’Amérique latine, associé à une attitude de plus en plus hostile envers les Eglises. Pour la première fois, le Nicaragua se retrouve sur l’Index mondial de persécution. Les responsables d’Eglises y subissent des pressions et sont arrêtés, la surveillance est renforcée, les bâtiments ecclésiastiques sont confisqués. D’autres pays encore sont montés dans l’échelle de classement de l’Index: la Colombie et le Mexique. Le crime organisé y met en danger les chrétiens.

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