Une cordée dans le brouillard

«Nous devrons non seulement tirer à la même corde, mais former une même cordée, comme en haute montagne.» Nouveau négociateur en chef de la Suisse avec l’Union européenne, l’ambassadeur Jacques de Watteville a décidément le sens de la formule. Et de la formule magique? Il lui en faudra une pour résoudre dans les délais - soit d’ici à février 2017 - la quadrature du cercle: respecter le vote du peuple pour une limitation de l’immigration, tout en préservant et en développant les relations bilatérales avec l’Europe.

Pour oser s’attaquer à la redoutable face Nord qui l’attend, l’expérimenté diplomate vaudois fait preuve de courage. Le Conseil fédéral le promet en effet au rôle de fusible en cas d’échec des négociations. Par ailleurs, il lui donne pour seuls instruments un chronomètre et une boussole affolés. Face à l’UE, les ministres ont d’abord tenté, chacun de son côté, de mettre le pied dans la porte ou d’entrer par la fenêtre en concluant des ententes sectorielles, comme sur l’électricité. Mais la Commission de Jean-Claude Juncker a mis le holà et exigé, comme préalable à tout nouvel accord, un règlement politique des questions qui fâchent: le respect, malgré le 9 février, de la libre circulation des personnes - soit des travailleurs des Vingt-Huit -, et la reprise dynamique par la Suisse des développements du droit européen.

Butant sur ce bloc de granit, le Conseil fédéral n’a eu d’autre choix que de changer d’optique. La nomination hier d’un chef de cordée constitue un aveu d’échec de sa première stratégie, en même temps qu’un désaveu, au niveau du casting, du secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères Yves Rossier. Elle trahit aussi l’absence jusqu’ici de conduite collective et l’impuissance du gouvernement. Comme si celui-ci, face à l’intransigeance de l’UE, n’attendait plus désormais que les citoyens, à la faveur d’un nouveau vote, le tirent de la crevasse dans laquelle ils l’ont plongé.