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Serge Gumy

L’homme normal tire sa révérence

Portrait of Didier Burkhalter, Federal Councillor, pictured on May 6, 2010, at the offices of the Federal Department of Home Affairs in Schwanengasse alley in Berne, Switzerland. (KEYSTONE/Gaetan Bally) Portrait von Bundesrat Didier Burkhalter, aufgenommen am 6. Mai 2010 am Sitz des Eidgenoessisches Departements des Innern EDI an der Schwanengasse in Bern. (KEYSTONE/Gaetan Bally)GAETAN BALLY/© KEYSTONE / GAETAN BALLY

Serge Gumy

Serge Gumy

15 juin 2017 à 00:08

L’aveu avait quelque chose de touchant. A l’heure d’annoncer sa démission du Conseil fédéral, Didier Burkhalter s’est départi de sa réserve toute protestante pour oser laisser parler le cœur. Après 32 ans de politique, il dit aspirer à une autre vie, moins exposée. La vie d’un homme normal qu’il n’a en réalité jamais cessé d’être.

Cette normalité très helvétique fut à la fois sa force et sa faiblesse. Collégial jusqu’au bout des ongles, le Neuchâtelois n’a jamais revêtu la taille patron. Ni au Département fédéral de l’intérieur, qu’il a déserté après deux ans déjà en laissant en plan les réformes des retraites et de l’assurance maladie. Ni aux Affaires étrangères, où il n’est pas parvenu à faire aboutir son idée d’accord-cadre avec l’Union européenne, dont plus personne ne veut dans l’immédiat. Pas même à Bruxelles, accaparé par la sortie à négocier du Royaume-Uni.

Dans cette carrière ministérielle en demi-teinte, la présidence simultanée, en 2014, de la Confédération et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe aura constitué une parenthèse enchantée. Celui qui fut élu « Suisse de l’année » a alors su profiter de l’actualité – l’éclatement de la guerre en Ukraine - pour faire briller ses qualités d’homme de valeurs au service de la communauté (internationale, en l’occurrence).

Les photos prises avec Barack Obama ou Vladimir Poutine cette année-là ne sauraient cependant éclipser l’immense point noir du 9 février. Non seulement Didier Burkhalter n’a pas senti monter, pas plus que le reste du gouvernement, la grogne populaire face à l’immigration, mais il ne s’est pas non plus imposé par la suite comme le chef d’orchestre des difficiles négociations à mener avec l’UE. Depuis lors, il s’est progressivement isolé, y compris de son Parti libéral-radical. Bien que surprenante, l’annonce de son départ confirme dès lors l’impression diffuse qu’il n’avait plus le ressort pour rebondir.   

 Didier Burkhalter en a tiré les conséquences – et sa révérence aussi. Pour sa succession au Conseil fédéral, le Tessin, avec la probable candidature d’Ignazio Cassis, a cette fois de solides prétentions à faire valoir pour un siège devant revenir aux Latins. Quant aux Affaires étrangères, Alain Berset paraît bien placé pour leur insuffler une nouvelle dynamique. Comme il l’a fait à l’Intérieur, qu’il a repris en panne sèche après un certain Didier Burkhalter.

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