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Serge Gumy

Dess(e)in caché


Serge Gumy

Serge Gumy

6 janvier 2016 à 14:57

Le sang et les larmes ont séché. A «Charlie Hebdo», l’encre noire, elle, coule encore, heureusement, malgré la mort des monstres sacrés de l’hebdomadaire, malgré les disputes intestines autour de l’héritage. Comme il paraît déjà loin, pourtant, ce 7 janvier 2015. Au point que le déferlement d’hommages, de récits reconstruits et de témoignages, auquel se joint «La Liberté» ce jeudi, a quelque chose d’anachronique. Dans l’intervalle, en effet, soit depuis le carnage du 13 novembre, la France s’est, bien malgré elle, enfoncée davantage dans la spirale de la terreur. Après ce massacre de masse, le pays, du moins son gouvernement, se considère en guerre et étrenne un nouveau régime de cohabitation - avec la menace de nouveaux attentats.

Quant au débat politique, il s’est durci. Il y a un an, mue par un sursaut républicain, l’opinion brandissait en étendard la liberté d’expression, en particulier le droit à la caricature, au nez et à la barbe de certains musulmans révulsés par cette valeur quasi absolue des sociétés laïques ou sécularisées. Depuis novembre, le poids des 130 morts écrase tel un rouleau compresseur la résistance au tout sécuritaire. En janvier régnait l’union sacrée sur la Concorde, aujourd’hui une forme de pensée unique résignée. Ainsi, un président socialiste s’inspire du Front national pour proposer de retirer leur passeport français aux binationaux condamnés pour terrorisme, voire aux Français…

A courir les commémorations, François Hollande donne par ailleurs la fâcheuse impression de vouloir surfer sur l’émotion encore vive suscitée par les tueries de 2015. Certes, à deux reprises, il s’est montré à la hauteur d’événements dramatiques. Son dessein n’en est pas moins très mal caché: renouer avec la posture du père de la nation qui lui a valu de remonter, même brièvement, dans les sondages de popularité. Mais l’état d’urgence qu’il a décrété ne concerne-t-il pas d’abord sa réélection? Tout cela sent la récupération politique à plein nez. On aurait adoré que Charb, Cabu ou Tignous le soulignent de leur plume au vitriol.

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