Zep. «On ne rit jamais aussi bien que des sujets qui nous effraient un petit peu»
Interview • Après l'album «Happy Sex», voici «Happy Parents»! On connaît Zep grâce à Titeuf, mais le dessinateur genevois explore aussi la sexualité des grands, et ses conséquences. Après crac boum, c’est le baby-boom…
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Laurence de Coulon
13 octobre 2014 à 20:20
Découvrez en dessins «La joie d'être parent... selon Zep»
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Les parents, il y en a partout. Si on ne l’est pas soi-même, on a toutes les chances d’en avoir eu, et même s’ils ont réussi à disparaître avant de se faire détester, on en connaît (on a bien un voisin, un collègue, un ami qui l’est devenu, à son corps défendant, ou pas). Zep en a croqué une soixantaine, et autant de facettes différentes de la parentalité.
Le cauchemar (littéralement) des activités parascolaires, les joies de la piscine (nommément: l’aîné qui glisse et tombe, le moyen qui perd son slip, la cadette qui vide le sac, natel et livre compris, sur le sol détrempé, puis fait caca dans le bassin), autant de situations formatrices auxquelles font face un écolo aux convictions mises à rude épreuve, des esthètes et des cinéphiles déçus, des hystériques, pas mal d’hommes et de femmes au bout du rouleau, quelques philosophes.
Que les choses soient dites. Etre parent, c’est une épreuve. Et pour être honnête, l’enfance, ce n’est pas la piscine à balles d’IKEA. Il faut l’humour de Zep pour s’en remettre. Rencontre.
- D’où vient votre envie de parler des parents?
Zep: De ma vie quotidienne. J’ai trois enfants, et je dessine tout ce qui m’arrive dans des carnets qui fonctionnent un peu comme un journal intime et un laboratoire, y compris mes aventures de père. Au départ, je ne pensais pas en faire un livre, mais j’ai surpris ma femme qui lisait ce carnet, ce qu’elle n’a pas le droit de faire, et elle se marrait. Elle m’a dit que je devrais en faire quelque chose. Au début, j’étais un peu gêné. Dans la bande dessinée, ce sujet est devenu une institution, avec les chiens et les tondeuses à gazon. J’ai creusé la question, et je me suis retrouvé avec une dizaine d’histoires. C’était la preuve que le sujet est riche.
- Est-ce que les parents sont heureux, en général?
Etre parent, c’est la plus belle chose qui puisse arriver. Une expérience incroyable à laquelle on n’est pas préparé. Une manière d’être heureux, c’est de rire de nos tentatives d’être parent, parce qu’on essaie, on est en formation. Nos enfants nous éduquent. Parfois on le fait bien, d’autres fois pas. Il nous arrive d’être mauvais élèves.
- Votre album fait rire très souvent, mais il y a une histoire triste, celle d’un père divorcé qui attend son fils tout seul devant sa pizza.
Dans un album de gags, j’aime bien créer une zone sensible. On ne rit jamais aussi bien que des sujets qui nous effraient un petit peu. Au départ, j’avais fait plusieurs histoires de ce genre, et finalement je n’en ai gardé qu’une. Même dans «Titeuf», tout à coup, il y a une page plus sensible.
- A propos de votre personnage fétiche, comment devient-on le père de Titeuf?
Père, je ne sais pas, auteur, oui. Je ne sais pas pourquoi, dans la BD, on est toujours le papa de ses personnages, alors que Titeuf est plutôt le double qui me relie avec mon enfance. Je ne me sens pas responsable de lui, je suis même assez dur avec lui, assez brutal. Cette confusion m’a toujours embarrassé. Quand mes enfants étaient plus petits, et qu’on me disait, vous êtes le papa de Titeuf, mes enfants se retournaient avec une interrogation dans le regard. Je pense qu’un jour il y aura une étude sociologique sur les gens qui ont été confondus avec les personnages de leur père!
- Et comment avez-vous acquis votre style?
Petit à petit. J’ai toujours aimé dessiner des personnages, plus que des décors. Mon style met en avant les personnages. J’aime bien en avoir plusieurs. Les parents ont beaucoup de facettes, certains sont plutôt dans le contrôle, dans la surprotection, d’autres ont du mal à cadrer. Et il y a les enfants aussi. J’aime beaucoup me concentrer sur le physique, les différentes façons de s’habiller, de se coiffer. En fait, il y a 120 personnages principaux dans un album comme celui-là. Ça demande un panel assez large.
Je vais chercher ce que j’ai dessiné dans mes carnets pendant la journée, je m’inspire des gens dans mon entourage. On ne choisit pas son style, un style correspond à une personnalité. On peut le travailler, mais on ne peut pas le changer, c’est comme la voix. Et mon style traduit une inquiétude du détail. J’aime que le dessin soit bien ficelé, pas brouillon. J’envie Hugo Pratt, avec un coup de pinceau, il réalise une ville. Si je veux faire une ville, je dois dessiner chaque tuile, chaque fenêtre, ça me prend des heures et des heures.
> Zep, «Happy Parents», Editions Delcourt, 64 pages.
> Exposition des planches de «Happy Parents» à la libraire Raspoutine à Lausanne du 31 octobre au 30 novembre.
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