Etats-Unis. Signes encourageants après la greffe d'un rein de porc
"Je suis aux anges": à 53 ans, Towana Looney, une Américaine dont l'unique rein n'était plus fonctionnel, est devenue la troisième personne vivante au monde à bénéficier d'une greffe de rein de porc, une pratique encore très expérimentale.
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ATS et AFP
17 décembre 2024 à 15:45, mis à jour à 23:02
La patiente, toujours sous sur surveillance médicale depuis son opération fin novembre à l'hôpital NYU Langone de New York, pionnier dans le domaine, est revenue mardi sur son parcours médical inédit. "Je suis chanceuse d'avoir reçu ce cadeau, une deuxième chance dans la vie", a-t-elle confié aux côtés de l'équipe médicale lors d'une conférence de presse.
Mme Looney avait fait don en 1999 d'un de ses reins à sa mère et vivait depuis huit ans sous dialyse après qu'une complication survenue lors d'une grossesse eût endommagé son rein restant. Cette Américaine de l'Alabama, dans le sud des Etats-Unis, attendait une greffe depuis 2017 et ne trouvait pas de donneur compatible.
Son état médical se dégradant, elle a été autorisée à recevoir un rein de porc génétiquement modifié. "Je suis pleine d'énergie, j'ai l'appétit", a-t-elle assuré mardi, poursuivant dans un rire: "et bien sûr je peux aller aux toilettes!".
Ce type de transplantation appelé xénogreffe, entre animal et humain, nourrit l'espoir de répondre à la pénurie chronique de dons d'organes dans un pays où plus de 100'000 patients sont sur liste d'attente, dont plus de 90'000 pour un rein.
Compatibilité biologique
Trois semaines après l'opération, la patiente présente "des conditions rénales normales", a déclaré le chirurgien Robert Montgomery, membre de l'équipe médicale. Un hôpital de Boston et celui de NYU Langone à New York ont déjà greffé des reins de porcs sur deux autres patients vivants, Rick Slayman et Lisa Pisano, plus tôt dans l'année. Mais ces derniers, gravement malades, étaient décédés quelques semaines après.
Towana Looney, dont l'état de santé général est meilleur que celui de ces précédents patients, a bénéficié d'un rein présentant dix modifications génétiques, contre une seule pour l'organe greffé plus tôt par l'équipe de New York. Ces modifications de l'ADN du porc sont destinées à améliorer la compatibilité biologique entre l'animal et l'humain et éviter que l'organe ne soit immédiatement rejeté par le corps du receveur.
Une nouvelle combinaison de médicaments a également été expérimentée dans cette dernière greffe. L'équipe médicale a annoncé mardi que l'entreprise Revivicor, qui a fourni le rein transplanté, allait demander aux autorités américaines l'autorisation de lancer des essais cliniques à compter de l'année prochaine sur les deux type de reins développés.
"Il s'agit d'un moment décisif pour l'avenir de la transplantation", a déclaré Kevin Longino de la National Kidney Foundation (NKF), association dédiée aux maladies rénales, dans un communiqué mardi. Selon un sondage auprès de ses membres, les patients souhaitent, en dépit des risques associés, un accès rapide aux essais cliniques en raison notamment des "effets handicapants de la dialyse: épuisement, isolement et incapacité à mener une vie normale."
"Chaque jour, quatorze Américains meurent en moyenne en attente d'une greffe d'organe vitale, ce qui souligne la nécessité d'explorer des solutions alternatives", insiste la fondation.
Progrès
Longtemps cantonnée à la science-fiction, la xénogreffe a bénéficié récemment des progrès faits en matière d'édition de gènes et de contrôle de la réponse du système immunitaire, limitant les risques de rejet. "Le prochain objectif est de prolonger la durée de vie de ces reins, notamment en les donnant à des personnes en meilleure santé qui ont de meilleures chances de vivre plus longtemps", a expliqué M. Montgomery.
Plusieurs autres greffes de ce type ont été réalisées par son équipe ces dernières années, dont la première mondiale d'une transplantation d'un rein de porc sur un patient en état de mort cérébrale, en septembre 2021. L'organe avait alors bien fonctionné durant quelques jours.
Une autre équipe scientifique américaine a procédé en 2022 à la première transplantation mondiale d'un coeur porcin sur un humain vivant. Mais l'homme, opéré par des chirurgiens de l'université du Maryland, est mort deux mois après son opération.
Les scientifiques se montrent optimistes car les organes transplantés n'ont pas été immédiatement rejetés par l'organisme des malades. "Nous avons énormément appris de chaque transplantation. Nous en savons désormais beaucoup sur ce que le rein de porc peut faire", a assuré le chirurgien Robert Montgomery. Towana Looney devrait pouvoir rentrer chez elle dans trois mois, a précisé l'équipe médicale.