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L'intelligence artificielle

Vers le robot sapiens

Industrie, services ou médecine: l’automatisation avance à pas de géant grâce à l’intelligence artificielle (IA)

Economiste, directeur du laboratoire d’idées Institut sapiens

 Pierre-André Sieber

Pierre-André Sieber

15 juillet 2019 à 00:17

Révolution numérique » Une vidéo qui fait le buzz sur internet montre le dernier-né de Boston Dynamics, numéro un du robot mécanique américain, qui transporte de lourdes charges aussi vite et bien qu’un manutentionnaire. A Pessac (F), un supermarché Casino utilise un robot de la firme californienne Simbe pour traquer les rayons vides et mieux anticiper les ruptures de stock.

Si les cols bleus font face à la révolution robotique, les cols blancs subissent aussi les assauts de créatures virtuelles sans bras mécaniques ni force herculéenne ni forme humanoïde. A l’instar d’autres banques, Swedbank introduit Nina, un chatbot («chat» comme «discussion» en anglais, et «bot» comme «robot») ou agent conversationnel dopé par l’intelligence artificielle (IA). Doté d’un logiciel, l’assistant Nina conçu par la firme californienne Chegg répond automatiquement aux questions des clients, ce qui réduit visites aux succursales et appels.

De plus en plus malin

Aux Etats-Unis encore, Barney Hussey-Yeo, un spécialiste des données, vient de créer Cleo, une «IA chatbot» qui aide les milléniaux à gérer leurs dépenses courantes. Grâce au machine learning, Cleo devient de plus en plus intelligente au fil des questions qu’on lui pose. Son concepteur affiche un score de 96% de précision dans les réponses. C’est une réalité: le robot et l’IA menacent autant le manutentionnaire que l’employé du secteur des services.

L’Homo sapiens tremble devant les avancées du robot sapiens. «Nous pensions que les algorithmes (suite d’opérations qui permettent d’arriver à un résultat, ndlr) ne pouvaient calculer plus vite que les humains et ils l’ont fait», explique Rachid Guerraoui, professeur d’IA à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et au Collège de France. «Nous pensions qu’ils ne pouvaient battre les humains aux échecs ou à Questions pour un champion et ce fut fait. Nous pensions qu’ils ne pouvaient nous battre à des jeux plus «intuitifs» comme le jeu de Go ou le poker et ce fut fait. Aujourd’hui, les algorithmes détectent les cancers de la peau ou du poumon mieux que n’importe quelle équipe de spécialistes. Il faut s’attendre à ce que les algorithmes nous remplacent dans la majorité des tâches. Il est très difficile de dire lesquelles seront épargnées.»

«Il faut s’attendre à ce que les algorithmes nous remplacent dans la majorité des tâches»

Rachid Guerraoui

En France, 650 000 postes dans la manutention sont en sursis. Aux Etats-Unis, les véhicules autonomes menacent le métier de conducteur de taxi. «Comme la révolution industrielle a vidé les champs de ses ouvriers grâce aux machines agricoles, la révolution algorithmique fera perdre des millions de places de travail, prédit Rachid Guerraoui. Par contre, en médecine entre autres, il faut s’attendre à d’énormes progrès.»

Perspectives sidérantes

L’IA et la robotisation font des firmes technologiques les nouveaux riches. «Il y a dix ans, les plus grandes entreprises étaient General Electric, Coca-Cola, Toyota, observe Rachid Guerraoui. Aujourd’hui ce sont Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft: toutes basées sur des algorithmes. L’évolution semble s’accélérer.» De plus en plus de données sont disponibles et les machines qui les traitent sont de plus en plus puissantes, ouvrant des perspectives sidérantes. Jusqu’à présent, une machine ne pouvait accomplir que ce que l’homme avait programmé pour elle. Mais les méthodes d’apprentissage automatique (deep learning) la rendent presque intelligente.

Dans cet exercice, la Suisse et les pays européens lambinent. «Les entreprises tenant le haut du pavé sont implantées aux Etats-Unis et dans une moindre mesure en Asie», analyse Rachid Guerraoui. «L’Europe est à la traîne. Elle l’est un peu moins dans le monde de la recherche, ce qui signifie qu’il y a de l’espoir. Mais sans unité européenne à ce sujet, il va être difficile de rattraper le retard. Nous disposons en Europe d’un marché de près de quatre cent millions de citoyens instruits et de scientifiques de haut niveau: il faut absolument créer les conditions nécessaires à l’émergence d’acteurs européens en IA pour nous assurer une certaine indépendance à ce niveau.» Inexorable, la «mise en algorithme du monde» obligera nombre de travailleurs à se recycler. «Il faudra passer par des cours d’informatique comme on prend aujourd’hui des cours de conduite ou de français», conclut Rachid Guerraoui.

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