Logo

Religions

L’héritage théologique de Benoît XVI

Bien au-delà de son pontificat, Joseph Ratzinger restera comme un théologien majeur du XXe siècle


Maurice Page, CATH.CH

Maurice Page, CATH.CH

7 janvier 2023 à 02:01

Testament » En 2005, à la mort de Jean-Paul II, Joseph Ratzinger n’aspirait qu’à une chose: retourner à ses chères études. Le destin ou le Saint-Esprit en a décidé autrement. Devenu le pape Benoît XVI, il a continué à défendre sa vision de la théologie comme la mission de «rendre présente la Parole, la Parole qui vient de Dieu, la Parole qui est Dieu».

Bien au-delà de son pontificat, Joseph Ratzinger restera comme un théologien majeur du XXe siècle. Parmi la cinquantaine de livres publiés, plusieurs sont devenus des classiques de la recherche et de l’enseignement; d’autres des best-sellers avec des millions d’exemplaires vendus dans des dizaines de langues. Son magistère doctrinal est résumé dans les trois encycliques Deus caritas est (Dieu est amour, 2005), Spe salvi (Sauvés dans l’espérance, 2007) et Caritas in veritate (L’amour dans la vérité, 2009).

Au service de la foi

La rigueur de sa pensée, la précision et la qualité de son expression sont largement reconnues. Loin du jargon de certains théologiens, il impose un style, une patte personnelle. Ceux qui le lisent en allemand apprécient l’harmonie et la musicalité de sa langue. Même s’il est dense, il est toujours compréhensible. En bon professeur, il manie habilement la métaphore ou les analogies. Son parcours est celui d’un intellectuel brillant, modeste, totalement dévoué à Dieu.

Pour entrer dans l’univers théologique de Joseph Ratzinger, il faut d’abord se pencher sur le rôle qu’il attribue à la théologie: «La première priorité de la théologie, comme l’indique déjà son nom, est de parler de Dieu, de penser Dieu. Et la théologie ne parle pas de Dieu comme d’une hypothèse de notre pensée. Elle parle de Dieu parce que Dieu lui-même a parlé avec nous», expliquait-il aux membres de la Commission théologique internationale en 2008. «Le véritable travail de la théologie consiste à entrer dans la Parole de Dieu, à chercher à la comprendre dans la mesure du possible, à la faire comprendre à notre monde et à trouver ainsi les réponses à nos grandes questions.» Il ne saurait être question d’opposer la foi et la raison.

La pensée théologique de Benoît XVI commence à se constituer dans les années 1950. Son œuvre abondante et diversifiée s’intéresse surtout à l’ecclésiologie, à la Tradition, à l’eschatologie et à la liturgie. On a souvent évoqué une rupture entre la pensée progressiste du théologien conciliaire et celle du professeur de dogmatique qui quitta en 1969 Tübingen pour Ratisbonne, dans une ambiance de troubles estudiantins et de désaccords avec un progressisme théologique régnant, note Antoine Fleyfel, maître de conférences à l’Université catholique de Lille.

Lui-même s’est toujours inscrit en faux contre cette interprétation. Si les accents varient et évoluent, le théologien Ratzinger prône depuis le Concile un retour aux sources, pour revivifier l’Eglise. Ces sources se trouvent dans la Bible et chez les Pères de l’Eglise, donc dans la Tradition. Il exclut toute rupture avec le passé, mais défend une évolution vivante. Ses combats successifs contre le marxisme et contre le relativisme mettent en lumière ses convictions les plus profondes.

Critique du relativisme

Bien avant ses affrontements avec la théologie de la libération, le professeur Ratzinger s’opposait à la fin des années 1960, à Tübingen, au marxisme. Devenu préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, il fut l’architecte de l’Instruction sur quelques aspects de la Théologie de la libération, de 1984. Le cardinal estime qu’il n’est pas possible de s’appuyer sur la méthode marxiste sans en épouser l’idéologie. Or, «l’athéisme et la négation de la personne humaine, de sa liberté et de ses droits, sont au centre de la conception marxiste».

La théologie de la libération mise à l’index et le bloc communiste éclaté, Joseph Ratzinger devait affronter un ennemi encore plus dur, le relativisme. «Posséder une foi claire, selon le Credo de l’Eglise, est souvent défini comme du fondamentalisme. Tandis que le relativisme, c’est-à-dire se laisser entraîner à tout vent de doctrine, apparaît comme l’unique attitude à la hauteur de l’époque actuelle», expliquait-il aux cardinaux en 2005, à la veille de son élection pontificale. La «dictature du relativisme» se manifeste par le marxisme, le libéralisme, le libertinisme, le collectivisme, l’individualisme radical, l’athéisme, le mysticisme religieux, l’agnosticisme et le syncrétisme. Pour lui, le relativisme est la nouvelle menace, l’ennemi principal de l’Eglise. C’est clairement cette position qui lui vaudra le plus d’ennemis.

Vérité et tolérance

Souvent interprété comme la dénonciation du relâchement de la morale individuelle ou collective, le combat de Benoît XVI contre le relativisme est en fait une question philosophique et théologique fondamentale. «Une grande partie des philosophies d’aujourd’hui persiste effectivement à dire que l’homme n’est pas capable de vérité. […] Nous devons avoir le courage de dire: oui, l’homme doit chercher la vérité; il est capable de vérité. Que la vérité ait besoin de critères qui permettent de la vérifier et de s’assurer qu’elle n’a pas été falsifiée va de soi. Elle doit toujours aussi aller de pair avec la tolérance. La vérité nous fait alors apparaître ces valeurs constantes qui ont donné sa grandeur à l’humanité», a-t-il expliqué en 2010 au journaliste Peter Seewald.

Face à ce défi, Joseph Ratzinger, dès le début de son enseignement universitaire, s’est attaché à l’intelligence de la foi. Son livre Introduction au christianisme (1968), traduit en une trentaine de langues, est encore aujourd’hui un ouvrage de référence. Devenu pape, il n’a cessé de poursuivre cette mission spécifique: conforter ses frères dans la foi. avec PFY

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus