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Religions

La résurrection de l’Eglise géorgienne

Depuis l’indépendance du pays en 1991, la Géorgie connaît un impressionnant renouveau religieux

Phare du renouveau religieux en Géorgie, la cathédrale de la capitale Tbilissi a été consacrée en 2004.

Propos recueillis par
Pascal Fleury

Propos recueillis par
Pascal Fleury

17 décembre 2016 à 05:00

  • Les signes du renouveau religieux sont omniprésents en Géorgie: forte pratique des fidèles, vénération de sainte Nino, la sainte nationale à la croix en sarment de vigne (au centre, son icône en la cathédrale de Tbilissi), et d’innombrables constructions ou restaurations de sanctuaires, à l’exemple de la nouvelle église du monastère de Bodbe (à g.), de la cathédrale de Bagrati (à dr.) ou encore de l’église principale de Guélati (coupole).

Orthodoxie » La foule aux célébrations, des baptêmes et mariages nombreux, un boom des vocations, d’innombrables restaurations d’églises et de monastères, et même la construction d’une cathédrale toute neuve à Tbilissi! Depuis l’indépendance de la Géorgie en 1991, l’engouement pour le religieux explose dans l’ancienne république soviétique. Les explications de Mgr Dositheos, évêque de l’Eglise orthodoxe de Géorgie, à Bruxelles.

Comment expliquez-vous ce renouveau religieux en Géorgie?

Mgr Dositheos: Ce renouveau doit être vu dans la perspective de l’histoire de la Géorgie, qui a vécu de nombreuses périodes de souffrance pour la foi. Dans l’histoire récente, suite à la soumission du Royaume de Géorgie à l’Empire de Russie, notre Eglise a perdu son autocéphalie en 1811 (qu’elle n’a recouvré qu’en 1917), elle a vu sa tradition ecclésiale effacée et sa langue liturgique interdite, et la plupart de nos reliques ont quitté le pays. Au XXe siècle, le régime communiste a persécuté notre peuple et notre Eglise, ainsi que les autres religions représentées en Géorgie. Les célébrations étaient interdites, les églises détruites et les membres du clergé exécutés, déportés ou emprisonnés.

Mais malgré 70 ans de régime totalitaire, les Géorgiens n’ont pas perdu la foi...

Aucune persécution n’a jamais éliminé la foi profonde des Géorgiens, les persécutions contribuant au contraire à l’affermir. L’ouverture du pays, à partir de 1991, a réveillé une nation assoiffée de vérité. Cette recherche de la vérité explique le renouveau de la vie religieuse. Nous n’oublions pas ceux qui, souvent au prix de leur vie, ont gardé intacte et transmis la foi orthodoxe dans notre pays pendant la période de terreur antireligieuse: ils sont la source vivifiante de ce renouveau.

Aujourd’hui, la foi orthodoxe est à nouveau la religion officielle de la Géorgie. La liberté religieuse est garantie par la Constitution, et les divers cultes (juif, catholique, protestant et musulman) sont reconnus par l’Etat.

Ce renouveau religieux s’observe-t-il aussi dans la pratique?

Depuis l’indépendance, la pratique religieuse n’est plus confinée à la clandestinité. Aujourd’hui, près de 85% des Géorgiens s’identifient comme orthodoxes. La foi orthodoxe fait partie de l’identité géorgienne. Il est donc naturel que la pratique religieuse soit élevée dans notre pays. Elle s’exprime notamment par la participation des fidèles aux sacrements du baptême, du mariage et de l’eucharistie. Elle est très visible lors des grandes célébrations telles que Noël ou Pâques, ou à l’occasion de la commémoration des saints orthodoxes ou des défunts, qui rassemblent toujours de grandes foules. Mais pour le fidèle, la foi profonde se vit surtout dans le quotidien, en toute discrétion et humilité. Cela, ce n’est pas visible de l’extérieur.

Quel est l’impact de ce renouveau sur les vocations religieuses?

Les demandes d’accès à l’enseignement supérieur en théologie sont nombreuses. Notre patriarche Ilya II a réussi à établir une relation de confiance entre l’Eglise et le monde académique, inexistante sous le régime soviétique. Cette collaboration a permis de rouvrir rapidement plusieurs académies, séminaires, instituts et écoles de théologie. Chaque année, quelque 300 futurs religieux y sont formés.

L’une des conséquences les plus visibles de ce renouveau, c’est la restauration d’églises...

Seules 43 églises étaient ouvertes au culte au moment de l’indépendance de la Géorgie en 1991. On en compte aujourd’hui 1500. La Géorgie possède un patrimoine religieux exceptionnel, mais souvent en piètre état, résultat de plusieurs décennies d’abandon. Depuis plus de vingt ans, le pays est un grand chantier. La cathédrale de la Sainte-Trinité, à Tbilissi, a été consacrée en novembre 2004, après dix ans de travaux. Pour reprendre les mots de notre catholicos Ilya II, elle symbolise la «renaissance spirituelle et nationale» de la Géorgie. En 2012 a aussi démarré la construction d’un ensemble monastique dédié à l’icône de la Mère de Dieu d’Iviron, sur le mont Makhata à Tbilissi, avec orphelinat, école du dimanche et centre culturel.

Qui finance tous ces projets?

Ils sont soutenus par l’Etat pour les monuments classés, et pour le reste par les nombreux dons de l’Eglise et des fidèles de Géorgie et de la diaspora. Certains effectuent des dons en argent, d’autres en matériaux de construction, d’autres offrent encore leur main-d’œuvre ou leur savoir-faire. La grande majorité des fidèles participent à cet élan commun. Comme le dit notre patriarche, notre Eglise vit aujourd’hui sa «résurrection d’entre les presque-morts», suite à une longue période de «nuit illuminée» par l’espoir.


 

Une présence religieuse marquée par de nombreuses reconstructions

Avec son dôme s’élevant à 68 m, la nouvelle cathédrale de la Sainte-Trinité, à Tbilissi, est le symbole phare du renouveau religieux géorgien. Les fidèles s’y rendent en nombre pour les offices et les fêtes. Au centre de l’édifice majestueux, ils prient en particulier sainte Nino, qui a apporté la foi chrétienne au IVe siècle dans le pays.

Cette sainte, reconnaissable à sa croix en sarment de vigne, est aussi vénérée au monastère de Bodbe en Kakhétie (est du pays), qui abrite sa sépulture. Signe du renouveau, une nouvelle église de style traditionnel est également en voie d’achèvement dans ce haut lieu de pèlerinage, qui a retrouvé ses fonctions religieuses après avoir été utilisé comme hôpital durant l’époque soviétique.

Autre site de pèlerinage renommé, le sanctuaire de Guélati est l’objet de vastes restaurations. Situé près de Koutaïssi en Iméréthie (ouest), il a été fondé en 1106 par le roi David IV le Bâtisseur, lui-même enterré sous le porche d’entrée. Grand centre culturel et intellectuel du Moyen Age, il comporte trois églises, riches en fresques de style byzantin relativement bien préservées. Aujourd’hui à nouveau animé par des moines, il est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco.

A Koutaïssi, la cathédrale de Bagrati a été rebâtie à neuf à l’initiative de l’ancien président Mikhaïl Saakachvili. L’édifice du XIe s. avait été dévasté par les bombes ottomanes en 1692, mais attirait toujours les foules dans ses ruines. Chef-d’œuvre protégé par l’Unesco, l’église a été reconstruite en béton sans grand respect de la tradition, suscitant la critique des milieux du patrimoine et le désespoir de fidèles nostalgiques de la «magie des célébrations sous les étoiles, à la lumière des chandelles». PFY

Ce dossier a été rendu possible grâce à l’Office du tourisme de Géorgie (www.georgia.travel) et à la compagnie Ukraine International Airlines (flyuia.com).


 

Repères

Une église Autocéphale

La Géorgie a été évangélisée par l’apôtre André au Ier siècle. Elle est chrétienne depuis l’an 326. L’Eglise orthodoxe géorgienne est autocéphale depuis le Ve s.

Le clergé compte 3500 membres, dont 49 évêques, près de 1500 prêtres et environ 2000 moines et moniales. A la fin du communisme, ils étaient moins de 100.

Les 49 diocèses sont desservis par deux académies supérieures de théologie, qui assurent la formation du clergé.

Le Patriarcat gère trois universités ainsi qu’un institut supérieur de théologie, une académie scientifique, six séminaires et près de 70 écoles primaires et secondaires. PFY

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