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Religions

«La parole des femmes se libère»

Le Réseau des femmes en Eglise recueille des témoignages sur les abus de pouvoir dans le diocèse


 Carole Pirker, Cath.ch

Carole Pirker, Cath.ch

13 mars 2021 à 02:01

Egalité » Les abus de pouvoir dans l’Eglise, Catherine Ulrich connaît. Avec le Réseau des femmes en Eglise, dont elle est membre, elle recueille actuellement la parole de femmes qui subissent cette forme de discrimination dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg: «Un prêtre, se souvient-elle, a dit sur le ton de la «plaisanterie» à l’une de mes collègues, assistante pastorale, très heureuse d’avoir animé une retraite spirituelle: Tu as dû faire baisser le niveau.»

Des témoignages de ce type, qui fleurent bon le mépris et le sexisme, selon Isabelle Vernet, il y en a des dizaines. Elle qui s’occupe avec Myriam Stocker de les réunir au sein du réseau le confirme: «J’en entends régulièrement dans les milieux d’Eglise.» Cette aumônière à l’Ecole hôtelière de Lausanne, responsable de la coordination du bénévolat pour l’Eglise catholique vaudoise, nuance: «La différence, c’est qu’aujourd’hui, les femmes osent prendre la parole pour dénoncer ces comportements. Depuis une petite année, on assiste dans le diocèse à une libération de la parole des femmes.»

Effet MeToo

La peur serait-elle en train de changer de camp? «La peur est un point fondamental, réagit Isabelle Vernet. Des femmes salariées d’Eglise n’osent pas parler, de peur des répercussions sur leur lieu de travail. Mais c’est par la parole qu’on va casser ce cléricalisme dans lequel le prêtre est toujours au-dessus de tout, alors qu’il est censé être là pour servir! Il faut déconstruire nos habitudes!» Il y a une quinzaine de jours, elle a donc envoyé un mail aux sympathisantes du réseau en les invitant à faire part de leur expérience: «Le processus vient de démarrer et nous sommes très déterminées à le poursuivre», souligne Isabelle Vernet.

Les femmes du réseau souhaitent rencontrer l’évêque une fois par an: «Nous voulons qu’il prenne la mesure de tous ces abus qui existent dans notre milieu de travail», explique Catherine Ulrich, qui assure le lien avec la Conférence des évêques suisses. Derrière cette prise de conscience qu’elles estiment nécessaire et urgente se profile un autre enjeu: «Nous demandons que les femmes soient largement représentées dans les instances décisionnelles de l’Eglise», résume Catherine Ulrich, responsable à Genève de l’Aumônerie catholique des personnes handicapées et de leurs familles. Elle cite en exemple la Conférence des ordinaires romands (COR), qui réunit évêques et vicaires épiscopaux et qui discute des principales décisions à prendre au sein de l’Eglise en Suisse romande: «C’est dans cette instance que se discutent des questions comme celle des divorcés remariés, par exemple. C’est un lieu de réflexion sur l’organisation et les pratiques de notre Eglise et il n’y a que des hommes.»

Des lieux d’altérité

Pour Catherine Ulrich, l’Eglise se prive ainsi d’un apport précieux: «Nous représentons la moitié du peuple de Dieu en marche et la vision que les femmes ont de la société complète celle des hommes et donne à la réflexion une vision plus large de la communauté chrétienne. J’estime que la femme a un droit légitime à donner son avis sur la stratégie de l’Eglise.» Elle espère que les lieux d’Eglise se transforment peu à peu en lieux d’altérité permettant aux hommes de se confronter à une vision féminine de la société.

Certes, nuance-t-elle, il y a en Suisse la volonté d’intégrer davantage de femmes au sein de l’Eglise, citant la Fribourgeoise Marianne Pohl-Henzen, nommée déléguée épiscopale pour la partie germanophone du canton de Fribourg ou encore Joëlle Carron, une femme laïque au poste de déléguée épiscopale de la diaconie valaisanne. «Mais il en faudrait bien plus pour que les femmes se sentent soutenues dans leur vision des choses et pour qu’elles ne subissent pas la pression que l’on connaît lorsqu’elles sont ultraminoritaires dans un milieu d’hommes.» Bref, il y a encore, à l’écouter, «un énorme travail à faire pour changer les mentalités dans les milieux d’Eglise, où l’on constate une inertie pesante et de nombreuses résistances».

Le 15 septembre dernier, la Ligue suisse des femmes catholiques (SKF) a invité une délégation du Réseau des femmes en Eglise à participer à une journée de dialogue. Si Catherine Ulrich, qui y a participé, estime que les évêques sont conscients de la nécessité de changer notre système par rapport à la place faite aux femmes, «il faut encore convaincre chaque évêque».

A l’exemple du pape

A Rome, la nomination de Sœur Nathalie Becquart comme sous-secrétaire du Synode des évêques a été un signal fort: «C’est un exemple que donne le pape. Il faut que les évêques suisses fassent preuve de créativité.» Quant à la décision du pontife d’ouvrir les ministères du lectorat et de l’acolytat aux femmes, elle a représenté un véritable booster: «Sa décision, sourit-elle, renforce la légitimité de notre combat.»

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