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Energie «propre»

Série énergie «propre». En Valais, de l'eau turbinée deux fois

Issu de la fonte du glacier d'Oberaletsch, un futur lac pourrait être exploité pour générer plus de courant

Légende.

 Sevan Pearson, Gebidem et Bitsch (VS)

Sevan Pearson, Gebidem et Bitsch (VS)

17 juillet 2022 à 18:22

Série d’été » Depuis un promontoire rocheux à quelques kilomètres de Brigue (VS), la vue est plongeante sur le lac du barrage de Gebidem, situé à environ 1400 mètres d'altitude. Cet endroit, où s'arrête la route qui monte de Blatten, pourrait bien devenir le point de départ d'une nouvelle conduite forcée. Car plus haut, derrière la montagne, le glacier d'Oberaletsch fond à vitesse grand V. Résultat: un lac va bientôt apparaître dans une cuvette actuellement recouverte de glace. L'idée serait d'exploiter ce nouveau potentiel hydroélectrique.

«Le futur lac se formera dans une cuvette obstruée par de la roche qui constitue un barrage naturel, si bien qu'aucun mur ne devra être construit», explique Beat Imboden, directeur d'Electra-Massa, la société exploitant le site. Le plan d'eau devrait apparaître vers 2030 et le glacier disparaître entièrement vers 2070. «Après cette date, le potentiel hydroélectrique diminuera un peu, mais se stabilisera à environ 80% du maximum», ajoute le responsable.

Un double turbinage

Cette nouvelle installation aura la particularité de permettre un double turbinage. «L'eau du futur lac produira une première fois du courant renouvelable avant de se déverser dans le lac de Gebidem», indique Beat Imboden. De là, elle poursuivra son chemin dans la deuxième conduite forcée qui est exploitée depuis 1969. «Elle sera turbinée une seconde fois dans la centrale de Bitsch, en plaine.»

Cette dernière se trouve environ 750 mètres d'altitude plus bas, sur la route en direction de la vallée de Conches. Difficile d'imaginer que derrière un bâtiment adossé à la montagne et assez quelconque s'étire un tunnel long de plusieurs centaines de mètres. Au bout de celui-ci apparaît une très grande salle, située au cœur de la roche.

«Les trois turbines se trouvent environ 15 mètres sous nos pieds», explique David Jossen, le chef de la centrale de Bitsch, haussant la voix pour couvrir le bruit assourdissant des machines. Chacune d'elles pèse environ 14 tonnes. «A elles trois, elles sont capables de turbiner un débit équivalant à 55 mètres/seconde», précise-t-il.

Aux «étages» inférieurs, s'il est impossible de voir les turbines directement, la conduite forcée amenant l'eau du barrage de Gebidem est bien visible. «Elle se divise en plusieurs tuyaux qui alimentent les turbines», indique David Jossen. Ces arrivées d'eau sont appelées des injecteurs. «Il y en a quatre sur les turbines les plus anciennes et cinq sur la troisième, plus récente.»

Mise en service en 2030?

A l'heure actuelle, la production moyenne annuelle d'électricité atteint environ 600 GWh. A titre de comparaison, le courant généré à partir des centrales hydrauliques en Suisse s'élève à 35 000 - 40 000 GWh par an. «Avec le nouveau projet sous le glacier d'Oberaletsch, nous augmenterions la production annuelle de 100 GWh , explique Beat Imboden. «Cependant, l'électricité est avant tout générée durant les mois d'été. Avec la nouvelle installation, la production hivernale sur les deux chutes augmenterait au total de 50 GWh. Ceci est particulièrement important dans l'optique de la sécurité de l’approvisionnement.»

Devisé à 100 millions de francs et déposé en 2019, ce projet est l’un des quinze retenus lors de la table ronde de décembre dernier qui s’est tenue à Berne (voir ci-dessous). Depuis, la procédure est en cours. «Cela avance trop lentement», déplore le directeur. «Il faudrait une mise en service en 2030, avec début des travaux en 2026. Car il sera plus simple de creuser la conduite forcée tant que le glacier est encore là.»

Du côté des autorités, Joël Fournier, le chef du Service de l’énergie et des forces hydrauliques du Valais, indique que «le canton examine actuellement plus d’une vingtaine de projets hydroélectriques, afin de déterminer les meilleurs projets pour augmenter la production hivernale d’électricité sur le territoire cantonal».

Le responsable ajoute que «l’examen actuel de l’ensemble des projets de manière groupée, rigoureux du point vue méthodologique, augmentera sensiblement les chances que les projets retenus ne soient pas renvoyés à l’autorité cantonale lors des procédures judiciaires qui ne manqueront d’émailler les processus d’octroi des concessions et d’approbation des plans». Joël Fournier précise que, selon la planification actuelle, le Conseil d’Etat devrait pouvoir décider en fin d’année quels projets il souhaite inscrire dans le plan directeur cantonal.

Protection de la nature

Et quid de l'impact environnemental? «Notre projet a le label de l'UNESCO. Son impact sera très limité et l’UNESCO n’est pas opposée au projet, à condition que les lois applicables soient respectées», répond Beat Imboden. Du côté du WWF, selon Julia Brändle, spécialiste thématique énergie hydraulique, «une utilisation minimale du lac existant, avec une dérivation souterraine directe dans le lac de retenue de Gebidem, a été jugée plus compatible avec la protection de la nature». Et ce, parce qu’elle utilise l’infrastructure existante et «minimise ainsi les dommages supplémentaires pour la nature et le paysage».

Sur cette base, la table ronde sur l’énergie hydraulique suggère des études approfondies. Quant au WWF, il attend d’être impliqué dans les négociations dès que les plans concrets seront connus. L’une des conditions pour l’ONG: «l'exploitation doit aller de pair avec l’assainissement écologique des installations existantes dans le bassin versant, et être intégrée dans une planification supérieure qui prenne en compte les critères de protection de la nature», déclare Julia Brändle.

Ce reportage est le premier volet d’une petite série d’été. Celle-ci est consacrée à des projets, en Suisse, qui visent à produire davantage d’énergie de manière la plus «propre» possible.

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