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Économie

L’or durable pèse peu

Marché de niche en croissance sur sol helvétique, l’or équitable soulève quantité de problèmes

L’or labellisé vendu en Suisse provient de mines au Pérou dont le site de MACDESA.

 Gilles Labarthe

Gilles Labarthe

22 décembre 2022 à 02:01

Matières premières » Offrir pour Noël des bijoux ou des minilingots en or certifié commerce équitable est possible depuis dix ans en Suisse. Cet or garanti fairtrade vise à améliorer les conditions de travail des petits producteurs. Une démarche louable: dans les pays du Sud, des millions de mineurs artisanaux dépendent de cette activité pour vivre. Faute de soutien, ils s’exposent à de multiples dangers, en particulier à des produits toxiques comme le mercure et le cyanure.

La fondation Max Havelaar, l’un des principaux acteurs de ce marché en Suisse, présente sur son catalogue de vente bagues et alliances en or certifié. Ces bijoux sont notamment façonnés par l’artisan Jörg Eggimann, à Berne. Max Havelaar propose aussi des lingotins portant label. Ces lingots sont également disponibles dans une dizaine de banques cantonales, dont celles de Fribourg et de Vaud.

Minilingots de 20 g

Les ventes augmentent de manière significative à l’approche de Noël. «Cette année, nous nous attendons à une hausse encore plus forte», indique le responsable de la communication de Max Havelaar, Lukas Krebs. «Pour la première fois, des minilingots d’or de 20 grammes sont proposés et disponibles en Suisse romande, par exemple auprès de la Banque cantonale vaudoise.» Le plus grand défi sera de pouvoir répondre à la demande, selon lui.

Malgré dix ans d’efforts pour développer une filière d’or équitable, la production reste minime. Pour environ 3200 tonnes d’or extraites chaque année sur la planète, surtout des mines industrielles, seules 400 environ proviennent du secteur artisanal et à petite échelle. «Et sur la totalité, seuls 900 kilos sont certifiés fairtrade», rappelle Lukas Krebs. Cet or labellisé pèse moins de 0,028% de la production annuelle mondiale.

Une part infime certes mais en progression: de 120 kilos en 2014 à 1300 prévus en 2022, soit une valeur de presque 60 millions de francs à la vente, prime de commerce équitable incluse. «L’or labellisé vendu en Suisse provient de 13 mines certifiées employant environ 2900 mineurs au Pérou», précise Lukas Krebs.

Ces si faibles sources d’approvisionnement sont révélatrices de la concurrence dans le secteur de l’or en général, des rivalités entre acheteurs, de la mainmise sur les rares sources de production certifiée et des tensions entre les divers labels.

Difficulté à se fournir

Autre problème: la difficulté pour les bijoutiers suisses à se fournir en or équitable, comme en témoigne un artisan à Genève. En effet, une grande part de cet or fairtrade est absorbée par le secteur financier et de l’investissement durable, en pleine expansion. Plus gros client: l’affineur Valcambi «a importé 450 kilos d’or fairtrade cette année», confirme un porte-parole de cette société tessinoise, qui propose à la vente des minilingots de 20 ou 31 grammes (une once) certifiés.

A elle seule, l’entreprise a mobilisé presque la moitié du stock disponible. Evoquant le risque de saturation rapide du marché de l’or équitable, elle est aussi active sur d’autres labels et chaînes de valeur, comme Fairmined ou Swiss Better Gold. A travers ces filières, «avec la prime que nous versons au commerce équitable et aux mines, nous soutenons l’environnement et la communauté minière (familles, postes médicaux, alimentation électrique, écoles…) dans ces régions», explique-t-on chez Valcambi.

Du côté des ONG, si l’on salue cette forme d’engagement et aussi un meilleur dialogue avec les affineurs helvétiques après divers scandales récents liés à l’or sale (ravages écologiques et sociaux, or de contrebande, travail des enfants…), le scepticisme reste de mise. Il s’agit d’éviter que ce peu d’or équitable ne finisse en poudre aux yeux, face à d’autres problèmes globaux, toujours d’actualité.

Manque de transparence

Car «cet or certifié ne représente qu’une toute petite partie de l’or total importé. En raison du manque de transparence du secteur, de l’or provenant de sources douteuses continue d’être importé en Suisse, notamment des Emirats arabes unis (EAU)», regrette Christoph Wiedmer, codirecteur de la Société pour les peuples menacés.

Même remarque chez Swissaid: Marc Ummel, responsable du dossier matières premières, plaide pour un renforcement de la traçabilité des importations d’or en Suisse et un devoir de diligence plus contraignant inscrit dans la loi, suivant les standards de l’OCDE. En juillet 2020, un rapport de Swissaid pointait Valcambi «comme principal importateur suisse d’or en provenance des EAU», avec «un devoir de diligence défaillant» sur des fournisseurs posant problème, comme la société Kaloti, basée à Dubai. Un rapport que Valcambi a contesté, menaçant de déposer plainte contre l’ONG.

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