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Économie

Les coûts de la neige artificielle atteignent des sommets

Qu’il soit hydrique, énergétique ou financier, le coût des flocons artificiels est important. De quoi poser la question de leur légitimité.


Julie Jeannet et Sophie Dupont

Julie Jeannet et Sophie Dupont

28 février 2023 à 13:57

Peut-on encore skier l’esprit tranquille? Au mois de décembre et de janvier, des militants ont saboté des canons à neige à Villars-Gryon, aux Diablerets, à Verbier et en France pour dénoncer l’impact écologique de cette pratique encore très populaire. L’enneigement artificiel est devenu indispensable pour maintenir le ski. Plus de la moitié des pistes de ski en Suisse sont pourvues de canons à neige, contre seulement 10% en 2000 et 1% en 1990. Et son coût hydrique, énergétique et pécuniaire atteint des sommets.

155

domaines skiables fermés depuis 1950

En cet hiver particulièrement chaud, impossible d’ignorer que l’or blanc est en train de disparaître. En 50 ans, les Alpes ont perdu en moyenne un mois d’enneigement. En Suisse, 155 domaines skiables ont fermé depuis 1950. D’après une étude de l’Université de Bâle, la situation devient de plus en plus critique pour les domaines situés au-dessous de 1800 mètres. Les stations de haute altitude pourront s’en sortir financièrement jusqu’en 2100 en recourant massivement aux canons.

 

Beaucoup d’eau

 

«Le recours aux canons s’est développé à la fin des années 1980, en raison de trois hivers pauvres en neige. Depuis, cela s’est traduit par une augmentation toujours plus grande des besoins en eau», explique Emmanuel Reynard, professeur de géographie à l’Université de Lausanne. Il faut en moyenne 1000 m3 d’eau pour enneiger un hectare de pistes. Et 12 millions de mètres cubes d’eau seraient nécessaires pour produire toute la neige des pistes de ski du pays. Soit la consommation d’eau annuelle de 218’000 Suisses. Ces ressources peuvent passer du simple au double en fonction des conditions météorologiques.

«Dans les premières années, les prélèvements d’eau se sont parfois faits dans les rivières, avec des dommages importants. En hiver, lorsqu’on veut produire des flocons, les débits sont en effet déjà au plus bas», explique le professeur. Aujourd’hui, on capte l’eau dans les aménagements hydroélectriques et on construit des retenues collinaires qui permettent de prélever l’eau à la fonte des neiges et de la stocker. Elle est utilisée dès novembre, pour préparer la couche de fond.

 

Paysage balafré

 

Avec l’augmentation de la production de neige artificielle, la construction de ces bassins de stockage a explosé et son impact sur le paysage est devenu important. Outre la consommation d’eau et d’électricité, la neige de culture pose également problème à cause de sa structure. «Elle n’est pas similaire à de la neige naturelle, souligne Jean-Christophe Loubier, géographe et professeur à la HES-SO Valais (Haute Ecole spécialisée). Elle renferme moins d’air et est fortement isolante. En conséquence, la plupart de ce qui se trouve en dessous meurt.»

La neige de culture fond plus lentement et certaines stations parviennent à la conserver d’une année à l’autre, en l’isolant avec de la paille ou des copeaux. L’eau de fonte est chargée en éléments organiques. «Dans le cas d’un écoulement lent, cette eau pollue les rivières par la création d’algues qui réduisent la quantité d’oxygène», poursuit le géographe. Sur les pistes, une fois la neige artificielle fondue, la terre est à nu. Selon la nature du sol, un phénomène de ravinement se déclenche. «En France, pour l’éviter, les stations sèment des plantes réputées pour leur agressivité. Certaines d’entre elles n’ont rien à faire en montagne, et ces espèces demandent beaucoup d’engrais», constate Jean-Christophe Loubier.

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