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Économie

En matière de durabilité et de réparabilité, les détaillants suisses sont à la traîne

Greenpeace dénonce le secteur qui n’en fait pas assez pour améliorer la durée de vie des produits vendus


 Bayron Schwyn

Bayron Schwyn

22 juin 2022 à 04:01

Economie circulaire » Produire, utiliser, puis jeter. C’est grosso modo ainsi que nous avons pris l’habitude de consommer depuis plusieurs décennies. Problème: les ressources offertes par la planète sont limitées et nous ne pourrons pas continuer indéfiniment de la sorte.

Un chiffre donne le tournis: selon une estimation de PwC et du WWF datée de 2021, plus de 90% des ressources naturelles ne sont utilisées qu’une seule fois à l’heure actuelle.

Pour que le commerce devienne moins gourmand en énergie et en matières premières, plusieurs organisations environnementales et de consommateurs militent depuis plusieurs années pour le développement de l’économie dite circulaire.

«Il reste beaucoup à faire»

Cette dernière vise à permettre le lancement de produits aussi durables que possible, et donc d’utiliser un minimum de ressources. La réparation, le partage, la réutilisation ou la location de biens et de services font partie du concept.

Un exemple connu de tous? Ne plus devoir changer de téléphone tous les deux ans car la batterie arrive à bout de souffle, mais plutôt changer la batterie elle-même, à moindre prix et facilement.

La Suisse, championne du recyclage, est-elle également à la pointe dans ce domaine? Pour le savoir, l’ONG Greenpeace s’est notamment intéressée aux efforts déployés par les douze plus gros détaillants de produits non alimentaires du pays (textile, outils, électronique, électroménager…). Dressé dans une étude parue aujourd’hui, le bilan n’est pas très réjouissant.

«Nous sommes encore loin d’une société de consommation qui favorise la qualité et la longévité des produits», commente Joëlle Hérin, experte consommation et économie circulaire pour Greenpeace Suisse. «Même si certains détaillants font mieux que d’autres – la Migros est la mieux classée –, le constat est le même pour tous: les choses évoluent trop lentement et il reste beaucoup à faire.» Pour la spécialiste, les détaillants ont un rôle clé à jouer, car ils peuvent à la fois mettre la pression sur les fabricants et les fournisseurs, ainsi qu’inspirer de nouvelles pratiques aux consommateurs.

Prolonger les garanties

Alors, comment faire mieux? Pour Joëlle Hérin, il faudrait notamment proposer des garanties sur les produits de plus de deux ans, le minimum légal, mettre en place des ateliers de réparation, vendre des pièces détachées abordables ou encore proposer la reprise de produits usagés pour leur donner une seconde vie.

L’experte appelle également au développement de nouveaux modèles commerciaux. Par exemple, une enseigne pourrait venir installer une machine à laver chez un particulier qui ne paierait alors que lorsqu’il l’utilise (par lavage). Les détaillants auraient ainsi tout intérêt à proposer des produits durables, tandis que le client ne paierait que quand il a vraiment besoin du service, sans devoir investir une grosse somme d’entrée de jeu.

Selon une analyse publiée en mars 2022, une réduction de l’empreinte carbone suisse de 1,8 à 4 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an est possible si tous les biens de consommation en Suisse sont utilisés un à trois ans supplémentaires. En comparaison, le recyclage du PET a permis d’économiser 137 000 tonnes d’équivalents CO2 en 2020.

Révision de loi attendue

Pour Greenpeace, cette étude constitue un moyen supplémentaire de mettre la pression sur le monde politique. Les commissions parlementaires des Chambres fédérales se pencheront dès cet été sur la prochaine étape de la révision de la loi sur la protection de l’environnement (LPE).

L’ONG espère que les politiques prendront des mesures concrètes pour favoriser l’économie circulaire, comme inscrire le droit à la réparation ou rendre le financement du traitement des déchets plus favorable aux produits durables.

Signe que les choses peuvent évoluer, une motion pour une prolongation de la durée minimale de garantie à cinq ans a été acceptée l’automne dernier par le National.

«Cette étude montre que la bonne volonté des détaillants ne suffit pas: il faut mettre en place des conditions cadres», affirme Joëlle Hérin.

Meilleure résilience

Mais les entreprises ont-elles un intérêt économique à favoriser l’économie circulaire? Oui, répond l’experte. «Il y a plusieurs avantages, dont une meilleure résilience, au moment où les tensions liées à l’obtention de certains composants sur le marché sont importantes et font craindre des pénuries. Une étude européenne a aussi montré que des économies importantes pouvaient être réalisées sur les coûts des matériaux par les industriels.»

Pour autant, Joëlle Hérin ne cache pas que d’importants investissements des industriels sont nécessaires pour que nos modes de consommation évoluent.

Et qu’en pensent les consommateurs? «Un sondage a montré il y a quelques mois que les Suisses étaient largement en faveur du droit à la réparation. Une pétition dans ce sens munie de plus de 17 000 signatures a également été remise au parlement en avril dernier», plaide Joëlle Hérin.

Suffisant pour lancer un nouveau vote des coopérateurs de la Migros?

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