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Économie

Deux banques, deux destins opposés

Alors qu’UBS affiche un bénéfice, Credit Suisse publie une lourde perte. Décryptage

Pour la banque, les douze prochains mois seront décisifs.

 Maude Bonvin

Maude Bonvin

10 février 2023 à 02:01

Résultats » Perte de 7,3 milliards de francs en 2022. Bonus réduits de moitié. Dividende raboté. Credit Suisse a connu l’un des pires exercices de son histoire l’an dernier. A titre de comparaison, UBS a réalisé un bénéfice de 7,1 milliards sur la même période, en hausse de 2%.

Ni la solvabilité, ni la pérennité de Credit Suisse ne sont toutefois remises en question à l’heure actuelle. «Un établissement de cette taille, avec une réputation internationale, a droit à l’erreur. Un plus petit n’a pas cette chance», juge Carlo Lombardini, professeur et avocat de droit bancaire.

Le spécialiste rappelle que Deutsche Bank et UBS ont également accumulé les pertes il y a quelques années. En 2008, le concurrent de Credit Suisse a été sauvé de la faillite par la Confédération, suite à la crise des subprimes. Il s’est depuis sorti de sa mauvaise passe. L’expert ne pense pas que ce sauvetage y est pour quelque chose dans son bon résultat de 2022. Suite à la crise financière, le numéro un bancaire helvétique a simplifié son organisation.

Surveillance améliorée

Credit Suisse suit le même chemin. En présentant ses résultats, le directeur général, Ulrich Körner, a reconnu que 2022 avait été une année cruciale. «Nous y avons présenté notre stratégie pour créer une banque plus simple. Nous disposons désormais d’un plan clair pour créer un nouveau Credit Suisse», a-t-il indiqué. Dans son viseur, la réduction de la banque d’affaires. Pour Carlo Lombardini, l’établissement ne vend pas ses bijoux de famille avec cette restructuration qui porte essentiellement sur ses activités aux Etats-Unis. «Passé cette phase, Credit Suisse disposera toujours d’une banque d’affaires certes moins importante mais ce n’est pas un défaut», déclare-t-il. Et qui dit simplification dit meilleure surveillance. Un contrôle qui a parfois péché par le passé avec les affaires des fonds Greensill et Archegos.

Reste qu’aux yeux de l’avocat, simplifier ne se réalise pas du jour au lendemain. A cet effet, les 12 prochains mois seront décisifs. «Les banquiers d’investissement aiment bien la complexité car elle leur permet de gagner davantage d’argent. Je suis davantage favorable à la banque de papa», souligne-t-il.

L’institut bancaire a également précisé hier la manière dont il souhaite procéder. Il veut racheter l’américain The Klein Group pour 175 millions de dollars. A terme, ce dernier prendra les commandes de CS First Boston, la future banque d’affaires autonome de l’entreprise zurichoise. «Il est très difficile de se couper de ce fil à la patte. La banque d’affaires c’est un peu comme le réacteur d’une centrale nucléaire», estime Carlo Lombardini.

Ce vaste plan de restructuration passant par la suppression de 9000 postes décidé l’an dernier permettra-t-il de redresser la barre? «Impossible de le savoir de l’extérieur», répond Carlo Lombardini. Ulrich Körner espère atteindre à nouveau la rentabilité en 2024. L’avocat genevois prévient néanmoins qu’une entreprise ne peut pas vivre qu’en coupant dans ses coûts. Au final, ce qui fait la force d’une société, ce sont ses collaborateurs. «L’établissement financier ne doit pas sous-estimer l’aspect humain. Il s’agit de maintenir les bonnes équipes en place dans un contexte de guerre des talents», poursuit le spécialiste.

Meilleure réputation

Pour justifier le meilleur résultat d’UBS, Carlo Lombardini fait également remarquer que cette banque exerce des activités moins risquées. C’est également une société plus grande et plus diversifiée que Credit Suisse.

Le numéro un bancaire helvétique bénéficie enfin d’une meilleure réputation. L’an passé, Credit Suisse a fait face à un important reflux de capitaux à hauteur de 123 milliards, alors que son concurrent a enregistré un afflux d’argent de 60 milliards. «Il est clair que la phase de panique de 2022 et le manque de confiance des clients de Credit Suisse laisseront des traces. Deutsche Bank a mis des années à se remettre mais elle y est arrivée», rappelle Carlo Lombardini. Pour regagner la confiance, Credit Suisse doit arrêter de faire parler d’elle, selon l’expert, dans un secteur où la compétition fait rage pour conserver et attirer des clients.

Il faudra également rassurer les investisseurs. A la clôture de la Bourse hier, l’action Credit Suisse chutait de 14,73% à 2,77 francs. Parallèlement, UBS prenait 0,98% à 20,09 francs.

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