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Musique

Requiem pour un son nouveau aux Cordeliers

Pour la première fois, des artistes majoritairement fribourgeois jouaient samedi en live Requiem Londinium, une ambitieuse partition de Lee (Louis) Schornoz.

Le Requiem Londinium a envoûté l’église des Cordeliers, samedi soir à Fribourg. © Charly Rappo

Jean-Philippe Bernard

Jean-Philippe Bernard

16 octobre 2023 à 12:20

Temps de lecture : 1 min

Critique » La nuit vient de tomber, abandonnant la ville aux murs détrempés par la pluie au cortège des ombres. Au même instant, dans la douce chaleur de l’église des Cordeliers, une lumière rouge s’en vient caresser la nef. Plusieurs centaines de spectateurs retiennent leur souffle tandis qu’environ 90 exécutants, chanteurs et musiciens (l’ensemble vocal TiramiSu, Ouroboros, les chefs Frédéric Zosso, Stéphane Cosandey, Manfred Jungo, le E-Band) prennent position du côté du chœur de l’édifice.

L’heure est à la fête: pour la première fois, des artistes, majoritairement fribourgeois, vont jouer en live Requiem Londinium, une ambitieuse partition dédiée à «la paix sur terre et au royaume des animaux» de Lee (Louis) Schornoz, compositeur et arrangeur singinois établi à Berne. L’œuvre vient d’être immortalisée sur un double album vinyle où samples et loops règnent en maîtres. Ce soir, elle sera portée par le souffle intense d’une troupe talentueuse dont les membres proviennent de multiples galaxies musicales. Une cloche, autour de laquelle semble bourdonner un insecte géant aux pattes métalliques, déchire le silence.

Introitus: quelques notes s’échappent des entrailles de la terre, provoquant les lamentations d’un groupe d’âmes directement étouffées par un orgue généreux. La tempête se déchaîne, la pluie redouble. La batterie donne le tempo dans la tourmente, les cordes et les vents balayent les limites de l’horizon. Du haut de sa chaire, le chantre (Jean-Charles Gonzales) se fait guide au milieu des ténèbres (Gloria).

Une machine infernale, du genre de celles qui sévissent habituellement dans le rock indus, se rapproche. Son bruit réveille le chœur, tenaillé par des guitares incisives. L’orchestre place quelques banderilles chirurgicales tandis que le chant poignant de la soprano Nikolina Pinko enlumine la voûte (Graduale) avant que la voix rassurante du chantre ne confirme le premier passage des quatre cavaliers de l’Apocalypse…

Peinture saisissante, territoire de choix pour les contrastes les plus aventureux, le Requiem Londinium déploie ses fastes soniques une heure durant, emmenant un auditoire subjugué vers un ailleurs riche en promesses en effaçant patiemment, soigneusement, les barrières entre les genres prétendument honorables (la musique symphonique, le chant liturgique) et ceux que certains esprits conservateurs s’évertuent à juger mineurs (l’électro, le rock expérimental, le metal).

Certes, Lee Schornoz n’est pas le premier artiste à tenter ce genre d’expérience. Trop souvent, ces tentatives de fusions s’avèrent anecdotiques mais dans le cas présent, c’est l’amour et la passion qui triomphe. On pourrait parler d’œuvre sombre, difficile mais ça serait infiniment réducteur tant ce qui est proposé dans ce voyage hors du temps connu est marqué par la beauté. Par l’humanité et par l’humilité de chacune de ces personnes investies brillamment dans cette quête vers la lumière, la joie et l’humanité triomphantes. Puisse ce requiem résonner partout et longtemps.

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