La direction de l'ensemble Diachronie change de visage

Fribourg » Ce lundi matin, en répétition, la clarinette basse vrombit, la flûte alto murmure des conversations, il y a du vent dans les cordes et le trafic est dense. Le pianiste gratte à l’intérieur du piano, et le percussionniste joue avec des billes et un tambour préparé… Mais même si les effets sont ludiques dans cette pièce, Structures of Molten Light, imaginée par la compositrice suédoise Malin Bång, le chef bat la mesure. La partition est ultraprécise, confirme Stéphane Mooser, nouveau directeur musical de l’ensemble Diachronie.

L’orchestre fribourgeois, formé autour de la formation dite Pierrot lunaire, piano, violon, violoncelle, clarinette, flûte et percussions, du nom de l’œuvre de Schoenberg, change de mains. Olivier Murith, qui a été membre fondateur en 2015 aux côtés de la clarinettiste Nathalie Jeandupeux, transmet le flambeau. Le concert de ce samedi, au Musée d’art et d’histoire de Fribourg, sera dirigé par Stéphane Mooser. Olivier Murith fera ses adieux lors du concert du mois de mars prochain. Tandis que la saison de l’ensemble Diachronie se poursuivra en mai, en collaboration avec le Nouvel Opéra Fribourg, puis en juin avec une aubade en plein air, dans le bois de Moncor, à 4 h 45…

«Cette folie»

«C’est le bon moment et la bonne personne»
Olivier Murith

Après sept ans de musique contemporaine en dialogue avec des œuvres du passé, une dizaine de créations fribourgeoises et une crise pandémique qu’il a fallu traverser, Olivier Murith confie ainsi son ensemble pour lui donner de nouvelles impulsions et lui permettre de se renouveler: «C’est le bon moment et la bonne personne. Changer de chef, c’est aussi un signe de bonne santé. Un ensemble professionnel a besoin d’un regard neuf, d’idées nouvelles, d’autres manières de travailler.» Mais il continuera toutefois de donner des coups de main et des conseils, en retrait, en tant que président de l’association qui chapeaute Diachronie.

A l’origine, Olivier Murith et ses musiciens constataient «un manque à Fribourg»: dans un paysage musical pourtant riche, il n’y avait pas d’ensemble de musique contemporaine. Seulement une saison, connue sous le nom d’Eclats Concerts. «Nous ressentions le besoin de nous lancer dans cette folie», sourit le fondateur.

«La musique contemporaine est une niche»
Stéphane Mooser

Parmi les moments forts, il se souvient des créations de Caroline Charrière, Sébastien Bréguet, Jean-Claude Charrez, Benedikt Hayoz… En dehors de pièces commandées, il a choisi les pièces interprétées en fonction du noyau de musiciens, à l’intérieur de l’effectif de base, qui pouvait se combiner selon des géométries variables. Olivier Murith exprime sa fierté d’avoir ouvert une brèche dans le canton de Fribourg, et surtout que «l’aventure ne s’est pas arrêtée». Ce n’était pas gagné d’avance, d’autant que le Covid a joué les trouble-fête. Justement, Stéphane Mooser a contribué à ce dynamisme, en accompagnant plusieurs programmes, y compris en streaming, quand le public était interdit de salles. La succession s’est faite naturellement et progressivement.

Dans l’obscurité

Dans la salle de répétition, les musiciens rigolent: «On dirait un mixer»… «Des ondes de radio»… Jouée en première suisse, la pièce Structures of Molten Light transcrit en musique des bruits de la rue, que Malin Bång a captés à Paris, Stockholm et Tokyo. «C’est évocateur et descriptif. On peut imaginer plein de choses», invite Nathalie Jeandupeux. Comme le reste du programme, la pièce sera jouée dans l’obscurité, pour dissocier le son dénaturé de la vue des instruments. Un jeu de lumières créé par Simon Lambelet devrait permettre aux auditeurs de partager cette «expérience sonore» et leur laisser la place de se faire leur propre film intérieur. Car la musique contemporaine permet volontiers d’élargir le cadre du concert.