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Littérature. Un nouveau livre de Patrick Modiano

Patrick Modiano illumine par son écriture cette femme sans nom qui donne son titre au nouveau roman du Prix Nobel de littérature.

Le récit de Patrick Modiano autorise une multitude de projections. © Francesca Mantovani/Editions Gallimard

Ghania Adamo

Ghania Adamo

27 octobre 2023 à 19:45

Temps de lecture : 1 min

Récit » On ne verra pas La danseuse danser. C’est à peine si elle esquisse dans la rue un pas de deux, à la dernière page du roman. Elle est alors accompagnée de son très jeune fils, Pierre. En cette nuit de Noël, à la sortie de la messe, tous deux s’acheminent vers la Porte de Champerret, dans ce quartier du nord-ouest parisien où ils habitent. Un homme les escorte, le narrateur, double de Patrick Modiano, qui se demande aujourd’hui ce que sont devenus la danseuse et son fils, et les gens qu’il avait croisés cinquante ans plus tôt.

A sa question, il n’aura pas de réponse. Mais en cherche-t-il vraiment une, lui dont les personnages frappés d’irréalité flottent délicieusement dans l’espace, comme des créatures de Chagall? Alors à quoi bon savoir ce que sont devenus tous ces gens? Ne vaut-il pas mieux les laisser dériver dans l’univers des songes, avant d’y entrer un jour comme par effraction pour les en sortir le temps d’un roman, les illuminer, et les renvoyer ensuite à leur vie dormante?

Souvenirs dormants est d’ailleurs l’un des titres de Modiano qui pourrait servir de dénominateur commun à la plupart de ses romans. Trente-deux à ce jour, avec La danseuse. Le Prix Nobel de littérature écrit toujours le même livre – ses lecteurs le savent. Deux ans environ séparent chacun de ses romans. Mais chaque souvenir connaît un éclairage unique, différent des autres. «Un instant du passé s’incruste dans la mémoire comme un éclat de lumière qui vous parvient d’une étoile que l’on croit morte depuis longtemps», écrit le romancier.

La danseuse, qui n’a pas de nom, est cette étoile, toujours en apesanteur. Son corps est léger, sa démarche est aérienne, elle s’envole quand elle chemine le long des rues et des boulevards parisiens. Mais sur sa vie plane un flou. Qui sont ses parents? Elle-même est incapable de répondre à cette question. On saura néanmoins qu’elle a vécu quelque temps avec un mari filou, le père de Pierre, et qu’elle a beaucoup d’affection pour le narrateur, rencontré un jour à Paris grâce à une connaissance.

«Casse le coude»

Quant à son art, elle l’a acquis au studio Wacker (qui a réellement existé). «A partir du moment où elle avait commencé les cours de danse, les premières années de sa vie s’étaient effacées comme un mauvais brouillon. Elle avait eu l’impression de naître une seconde fois. Ou plutôt, c’était à ce moment-là qu’avaient eu lieu sa vraie naissance», et son apprentissage de l’endurance, peut-on penser. «Casse le coude», lui souffle son professeur de danse, Boris Kniaseff. Un Russe qui lui aussi a existé et qui en savait long sur l’incandescence du corps capable de résorber «le chaos intérieur», comme l’écriture absorbe les tourments d’un romancier. A la recherche d’un travail, le narrateur rencontre un jour un éditeur parisien, Maurice Girodias, qui lui confie un livre anglais à corriger et à compléter en y ajoutant deux chapitres.

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