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La Liberté part en échappée

Le Tour de France raconté sous la plume des écrivains

Depuis près d’un siècle, le Tour de France inspire aux écrivains des récits passionnés et passionnants. Florilège à la gloire d’une socquette légère


 Jean-Philippe Bernard

Jean-Philippe Bernard

29 juin 2023 à 17:16

Temps de lecture : 1 min

Littérature » «Un maillot jaune, une peur bleue, une copie blanche et peu de matière grise… Nous en aurons vu de toutes les couleurs pendant trois semaines. La mémoire, comme un arc-en-ciel, retient et dilapide des souvenirs, pépites qu’il nous faudra extraire de leur gangue et rentrer avant l’hiver, pour les veillées. Seul s’impose aujourd’hui ce sentiment que Gustave Flaubert appelait la mélancolie des sympathies interrompues. Le Tour, carrefour des nations et de langages, plaque tournante pour les amitiés, est maintenant semblable à un quai de gare tout bruissant de partances et de déchirements refoulés…»

Assurément, dimanche 23 juillet prochain, sur les Champs-Elysées, les suiveurs et les participants de la 110e édition du Tour de France qui s’élance aujourd’hui de Bilbao éprouveront ce type de sensations. En revanche, il est loin d’être acquis que dans la masse, quelqu’un trouve les mots aussi aisément qu’Antoine Blondin le 20 juillet 1957 au soir du premier couronnement de Jacques Anquetil sur la Grande Boucle!

Les fameux Forçats

Entre 1954 et 1982, Blondin a gravé les tables de la loi de ce que l’on peut appeler la littérature cycliste

Depuis 66 ans, les caravanes passent mais jamais le journal L’Equipe n’a pu s’enorgueillir d’accueillir une plume telle que celle de l’auteur d’Un Singe en hiver! Entre 1954 et 1982, Blondin a gravé dans les colonnes du quotidien sportif les tables de la loi de ce que l’on peut appeler la littérature cycliste (ses textes sont regroupés dans Tours de France, pavé publié par les Editions de la Table Ronde). Malgré une propension à forcer sur la bouteille, le Parisien (1922-1991) a popularisé un genre brillamment défriché par Albert Londres en 1924 dans un court récit dont l’intitulé sert aujourd’hui encore à désigner tous les valeureux sportifs qui s’alignent au départ d’une course: Les Forçats de la route.

Sur un peu plus de 60 pages (Petite Biblio Payot), le «Prince des reporters» évoque en termes choisis le Tour, sa popularité croissante, son incroyable difficulté, avant que les frères Pélissier, grands favoris de l’épreuve, ne lui révèlent, au matin de leur abandon, les moyens qu’ils utilisent pour tenir le coup: «Ça c’est de la cocaïne pour les yeux, ça c’est du chloroforme pour les gencives… Et des pilules, vous voulez voir des pilules? Tenez, voilà des pilules.» Après avoir exhibé trois boîtes de pilules miracles, l’un des coureurs conclut par un lapidaire et prémonitoire: «Bref, nous marchons à la dynamite.»

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