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Série. We Own This City, ripoux sur Baltimore

Quatorze ans après Sur écoute, le scénariste David Simon revient avec We Own This City, série prenante inspirée par un scandale policier

Le sergent Wayne Jenkins, la terreur des dealers et autres malfrats, qui se croyait intouchable.

 Jean-Philippe Bernard

Jean-Philippe Bernard

20 mai 2022 à 15:52

Série » Dans les rues mal famées de Baltimore et sa banlieue, la population a connu tant de déboires qu’elle ne craint plus rien ni personne. Personne sauf le sergent Wayne Jenkins et ses collègues de la Gun Trace Task Force, une unité d’élite de la police locale. Chaque fois que le cow-boy déboule en faisant tourner son imposante matraque, caïds, dealers ou simples passants détournent le regard en priant pour que le représentant de l’ordre leur laisse une chance de détaler.

Dès son entrée dans la police de Baltimore en 2003, Jenkins s’est imposé comme l’agent le plus zélé de tout l’Etat du Maryland. Même si elle n’apprécie guère ses vantardises et ses provocations verbales, sa hiérarchie sait combien d’affaires résolues elle lui doit. Durant l’année 2005, Jenkins a participé à plus de 400 arrestations et depuis, à la demande des autorités municipales, il fait du «chiffre». Le crime recule tandis qu’il devient un modèle pour les jeunes recrues qu’on l’a chargé de former.

Jenkins semble bien parti pour achever sa carrière à l’ombre de la statue que la ville ne manquera pas d’ériger à sa gloire. Sauf qu’un beau matin, alors qu’il pense passer par le bureau des affaires internes pour une banale éraflure sur un véhicule de fonction, il est mis en joue par des hommes du FBI armés jusqu’aux dents. Voilà quelque temps déjà que le sergent et plusieurs de ses collègues se trouvaient dans la ligne de mire de la municipalité en raison de graves soupçons d’abus de pouvoir et d’enrichissement personnel!

We Own This City privilégie le ton du reportage immersif dans le quotidien des flics de Baltimore

Poussé dans une cellule, Jenkins continue de bomber le torse, persuadé que le silence, le sien et celui de ses hommes, aura raison de toutes les charges retenues contre eux… Ces faits réels et troublants servent de trame à We Own This City, la nouvelle série produite par la chaîne HBO.

On ne trouvera pas dans les six épisodes de cette première (et unique?) saison le quota de fusillades sanglantes et de scènes de sexe formatées que respectent à la lettre la plupart des séries policières adultes proposées depuis plus de deux décennies. Au contraire, We Own This City privilégie le ton du reportage immersif dans le quotidien des flics de Baltimore et de ceux qu’ils traquent inlassablement pour de bonnes ou de moins bonnes raisons.

Un procédé qu’on a pu apprécier jadis lorsque la série Sur écoute (The Wire) a tenu les amateurs de feuilletons en haleine durant cinq saisons entre 2002 et 2008… Rien de plus logique, puisque ce sont les auteurs de cette chronique multi-angles des difficultés rencontrées par une ville dans sa lutte contre le trafic de drogue qui gangrène ses rues. Alors qu’il estimait avoir fait le tour de Baltimore, théâtre de Sur écoute, David Simon, un ancien journaliste local reconverti en scénariste, retrouve la cité qui a fait de lui une star télévisuelle. Il est accompagné de ses plus fidèles complices: George Pelecanos et Ed Burns, un ancien enseignant des quartiers défavorisés de Baltimore.

Après une poignée de séries marquantes comme Treme (chronique de la Nouvelle-Orléans post Katrina), The Deuce (évocation de l’industrie porno des années 70) ou The Plot Against America (adaptation du roman éponyme de Philip Roth), il renoue donc ce printemps avec le thriller social et politique. Impressionné par la révélation en 2017 d’une affaire de corruption à grande échelle au sein de la police de Baltimore, Simon a commencé par persuader Justin Fenton, un journaliste d’investigation du Baltimore Sun, d’écrire un livre sur le sujet. Une fois l’enquête de Fenton bouclée et éditée, le scénariste s’en est inspiré pour signer sa nouvelle œuvre. We Own This City, on insiste, reprend les codes qui ont fait la singularité et la popularité de Sur écoute. L’effet de surprise est donc moindre, mais ne nuit en rien à l’efficacité de ce périple haletant en terre ripoue.


La force du récit proposé sous forme de flash-backs par ses multiples protagonistes, qu’ils soient voyous, juristes, politiciens, policiers intègres ou corrompus, réside dans la faculté de ses auteurs à restituer sans esbroufe un contexte sulfureux. Simon, Fenton et Burns connaissent le fonctionnement de la ville comme personne, tandis que Pelecanos, romancier magnifique, n’a pas son pareil pour dépeindre des personnages ambigus sans pour autant les caricaturer. L’autre atout majeur de We Own This City, c’est son casting.

Ainsi Wunmi Mosaku, actrice nigériano-britannique, en impose au fil des épisodes en incarnant une avocate sans peur amenée à soulever un tapis sous lequel se pavanent des crabes vicieux. Face à elle, Josh Charles (Le Cercle des poètes disparus, S.W.A.T.) joue les policiers sulfureux avec un naturel bluffant. Dans un registre analogue, Jon Bernthal (The Walking Dead, The Punisher, Le Mans 66, Many Saints of Newark: une histoire des Soprano) bat tous les records avec son charisme animal et sa morgue virile digne d’un Steve McQueen. Puissent les scénaristes se tordre les méninges pour trouver le moyen de faire revenir le plus rapidement possible sur nos écrans tous ces personnages peu recommandables mais tellement fascinants.

» We Own This City, mini-série en six épisodes de David Simon, Ed Burns et George Pelecanos. Avec Jon Bernthal, Wunmi Mosaku, Josh Charles. A voir sur OCS.

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