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Écrans

Humeur. Avec sa conquête de l’Himalaya, Inoxtag atteint des sommets… de cynisme

Avec 21 millions de vues sur YouTube en trois jours, le documentaire Kaizen du youtubeur français Inoxtag casse la proverbiale baraque. Mais derrière cette aventure humaine se voulant inspirante se dissimule une opération commerciale bien calculée.


Olivier Wyser

Olivier Wyser

17 septembre 2024 à 17:09, mis à jour le 20 septembre 2024 à 15:52

Temps de lecture : 2 min

On ne parle plus que de lui: le jeune youtubeur français Inoxtag – Inès Benazzouz, 22 ans – s’est lancé de défi de gravir l’Everest. Chose qui a été faite… Bien entendu sous l’œil d’une caméra.

Un documentaire de plus de deux heures nommé Kaizen («amélioration» en japonais) a été projeté dans les salles de cinéma vendredi 13 septembre et diffusé gratuitement sur YouTube le lendemain. Résultat: le film a fait le plein dans les cinémas et engrangé plus de 21 millions de vues en trois jours.

Les nombreux fans d’Inoxtag – 5,7 millions d’abonnés sur Instagram, 8,7 millions sur YouTube – ont tôt fait de crier au génie et les observateurs de saluer ces hordes de gamins qui franchissent le pas des salles obscures, ces endroits de plus en plus désertés par cette tranche d’âge. Car s’il faut retenir une chose de ce (très) long ego trip télévisuel ce serait ce message: laissez tomber vos téléphones, lâchez les réseaux et reconnectez-vous à la nature. Apparemment bon nombre de parents et d’enseignants désespérés par les habitudes de consommation d’écran de leurs ados ne demandaient pas mieux comme coup de pouLL

L’entreprise d’Inoxtag semble un rien obscène

Mais derrière l’apparente noblesse du projet, la démarche du youtubeur relève d’un cynisme qui interpelle. Au-delà des questions environnementales et éthiques qui entachent depuis longtemps le business des ascensions dans l’Himalaya, notamment l’exploitation des sherpas qui risquent leur vie pour que des riches puissent faire leur photo souvenir sur le Toit du Monde, l’entreprise d’Inoxtag semble un rien obscène. En effet comment prêcher les vertus de la déconnexion alors même que les youtubeurs et autres influenceurs font leur beurre en monétisant le nombre de vues et le temps d’écran de leur communauté? Comble de l’hypocrisie, l’opérateur Orange fait même partie des sponsors du film.

Et des généreux «soutiens», Kaizen en regorge: Sans trop se concentrer on repère une dizaine de marques au fil du documentaire… Elles sautent à la figure. Rappelons qu’en France, une «loi influenceurs» oblige depuis 2023 à signifier de manière claire les placements de produits dans ce type de contenus. Pour la beauté du geste il faudra donc repasser. Ces pratiques sont pourtant monnaie courante dans le monde des vedettes connectées et à ce stade elles ne devraient surprendre personne. Il est toutefois étonnant de voir à quel point les (souvent très) jeunes suiveurs de ces influenceurs semblent bien mal armés pour flairer l’arnaque.