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Brèves régionales

Top cinéma. «Un p’tit truc en plus» écrase le box-office du canton de Fribourg

Le film de l’humoriste Artus a conquis le public fribourgeois en mai. Avec près de 8000 entrées, il devance deux productions américaines. Bonne ou mauvaise nouvelle pour les personnes en situation de handicap? Les experts sont partagés.

La comédie à visée inclusive vit un succès fulgurant en France et en Suisse romande.Praesens Film

Geoffroy Brändlin

Geoffroy Brändlin

11 juin 2024 à 15:32, mis à jour à 15:52

Temps de lecture : 3 min

Après un mois d’avril original qui a vu un film fribourgeois figurer dans le top 3 des films les plus vus dans le canton de Fribourg (Ma Sarine de Jean-Théo Aeby), mai est synonyme de retour à la normale. Ou presque! Si films français et américains s’affrontent à nouveau en tête du box-office fribourgeois, un long-métrage tricolore sort du lot de manière particulièrement impressionnante. Son nom? Un p’tit truc en plus. Son nombre d’entrées: 7757.

Le film signé par l’humoriste Artus caracole en tête loin devant Kingdom of the Planet of the Apes (1615 entrées) et Blue et Compagnie (1600 entrées). Dans le canton de Fribourg, les statistiques le montrent: la comédie d’Artus a donné envie aux Fribourgeois de se rendre au cinéma. En mai, ils se sont rendus 10 972 fois dans les salles obscures, contre 6293 le mois précédent. Ce succès est le miroir helvétique du triomphe vécu en France. Dans l’Hexagone, avec 5,8 millions d’entrées, Un p’tit truc en plus est en train de mettre une claque à Dune 2 (4,1 millions d’entrées).

Une victoire pour le handicap, plutôt que pour la comédie française? A cette question, les associations sont divisées, relève le Huffington Post. Si certaines saluent le vivre ensemble positif montré par le film, d’autres pointent sa vision idéalisée qui serait trop éloignée de la réalité rencontrée en institution.

Un sentiment partagé ressenti par la Suissesse Anne-Sophie Kupper, contactée par La Liberté. Responsable du programme Droits & Participation de l’association ASA Handicap mental, elle a récemment vu le film. «J’ai un avis nuancé. D’un côté, je trouve positif de visibiliser le handicap mental, de faire jouer des personnes en situation de handicap et de ne pas les prendre en pitié. Mais d’un autre, on ne montre pas toutes les compétences que ces personnes peuvent avoir et leur réalité quotidienne».

Quand on aborde la thématique du handicap dans un film, il y aurait notamment trois pièges à éviter: le misérabilisme, l’héroïsme exacerbé et l’infantilisation. C’est en tout cas l’analyse de Robin Guyot. Chercheur à l’Université de Lausanne, il analyse la représentation du handicap à la télévision.

«Montrer le handicap comme une tragédie ou, à l’inverse, à travers une représentation héroïsée, en associant par exemple à ces personnes des capacités qui relèveraient de l’exceptionnel – comme dans la série Good Doctor – contribue à renforcer les stéréotypes. De telles représentations médiatiques ne sont pas conformes à la réalité. Dans Un p’tit truc en plus, le côté touchant des personnages est particulièrement accentué. C’est même cette caractéristique qui évite la prison à l’un des braqueurs. La pitié ou l’infantilisation contribuent à renforcer la perception que les personnes handicapées sont différentes.»

L’engagement d’acteurs porteurs d’un handicap peut-il être considéré comme une avancée dans le monde du cinéma? «Oui. Et j’ai été agréablement surpris par le temps de parole qui leur était alloué, souvent moindre dans d’autres productions. Mais plusieurs questions peuvent tout de même être posées: pourquoi les personnes en situation de handicap incarnent-elles seulement des personnages secondaires et pourquoi n’ont-elles pas participé à l’écriture du scénario?»

Le film aurait-il donc manqué l’exécution de sa bonne intention? «Je n’irais pas jusque-là. Même s’il n’est pas parfait, il a le mérite de faire jouer ces personnes-là et de provoquer le débat sur la représentation du handicap au cinéma.»