Ukraine. Blinken en Europe pour soutenir l'Ukraine après l'élection de Trump
Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken se rend mardi à Bruxelles pour des entretiens d'urgence avec les Européens afin de tenter d'accélérer l'aide à l'Ukraine avant l'arrivée au pouvoir du président élu Donald Trump.
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ATS et AFP
12 novembre 2024 à 15:21, mis à jour à 15:28
Le secrétaire d'Etat rencontrera mercredi des responsables de l'Otan et de l'Union européenne "afin de discuter du soutien à l'Ukraine dans sa défense contre l'agression russe", a déclaré dans un communiqué son porte-parole Matthew Miller.
Le déplacement de M. Blinken ressemble fort à un voyage d'urgence dans la capitale belge et européenne, sur fond d'inquiétudes de l'Ukraine et de nombre de capitales sur le Vieux continent sur la pérennité du soutien à Kiev après la réélection de M. Trump le 5 novembre, à quoi s'ajoute une crise politique en Allemagne.
L'ancien président des Etats-Unis (2017-2021), qui fera son retour à la Maison Blanche le 20 janvier, est déjà à la manoeuvre: il s'est entretenu avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, ainsi qu'avec le président russe Vladimir Poutine pour lui demander de ne pas provoquer d'escalade dans la guerre, selon le Washington Post.
Mais le Kremlin a démenti que les deux hommes se soient parlé, une "pure invention" selon Moscou.
Donald Trump s'apprêterait aussi, selon la presse américaine, à nommer l'influent sénateur de Floride Marco Rubio comme son secrétaire d'Etat. Ce dernier a récemment estimé qu'il "faut mettre fin" à la guerre en Ukraine, dans une "impasse" selon lui.
Fin de la guerre "en un jour"
Le magnat de 78 ans a régulièrement affirmé pouvoir mettre fin à la guerre "en un jour" avant même sa prise de fonctions, sans jamais détailler comment il s'y prendrait.
Mais il a remis en cause les dizaines de milliards de dollars dépensés par Washington en faveur de l'Ukraine, plus de 60 milliards de dollars en aide militaire depuis l'invasion russe en février 2022.
Le président sortant Joe Biden veut donc accélérer la livraison d'aide militaire à l'Ukraine et continuer à mettre en place des mécanismes afin que les Européens assurent le relais.
Il reste de l'enveloppe votée au printemps jusqu'à 9,2 milliards de dollars à attribuer dont 7,1 milliards à puiser dans les stocks d'armements américains et 2,1 milliards pour financer des contrats d'achats d'armes, selon le Pentagone.
Le conseiller à la Sécurité nationale de la Maison Blanche, Jake Sullivan, a évoqué dimanche la somme de six milliards de dollars et mis en garde contre les risques d'un arrêt du soutien des Etats-Unis.
"D'ici à la fin de l'administration (sortante), ils vont essayer d'expédier tout ce qui est disponible", comme des véhicules blindés et munitions pour armes légères, "dont l'Ukraine a besoin et que les Etats-Unis possèdent en grandes quantités", a dit à l'AFP Mark Cancian, du Centre pour les études internationales et stratégiques (CSIS) à Washington.
Les Européens sous pression
Alors que Berlin est en pleine crise politique, la ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, a mis en garde contre le risque de voir Vladimir Poutine profiter de la transition politique aux Etats-Unis pour pousser son avantage en Ukraine.
Tout ce que l'Europe peut apporter à l'Ukraine "doit être mobilisé maintenant", a déclaré la ministre, insistant sur le renforcement de la défense antiaérienne du pays.
Le président français Emmanuel Macron et le secrétaire général de l'Otan Mark Rutte ont justement appelé mardi à Paris à maintenir un soutien militaire résolu à l'Ukraine alors que l'élection de Donald Trump au Etats-Unis fait douter de la poursuite de l'aide américaine à Kiev.
"Le soutien à ce pays agressé par la Russie demeure une priorité absolue", a affirmé à la presse le chef de l'Etat français avant un déjeuner de travail avec M. Rutte.
"Le déploiement récent de Nord-Coréens sur la ligne de front est une escalade grave. Et nous continuerons de plaider pour que l'Otan et ses alliés apportent tout leur soutien à l'armée ukrainienne aussi longtemps qu'il le faudra", a-t-il ajouté.
Pour le président français, "c'est l'unique voie vers des négociations. Et je veux être clair, le moment venu, rien ne devra se décider sur l'Ukraine sans les Ukrainiens, ni sur l'Europe sans les Européens".
Au côté d'Emmanuel Macron, le nouveau secrétaire général de l'Otan a appelé mardi les Occidentaux à "faire plus que seulement permettre à l'Ukraine de se battre".
"Nous devons conserver la force de notre alliance transatlantique. Le défi immédiat auquel nous sommes confrontés est le soutien à l'Ukraine", qui "se prépare pour son hiver le plus dur" depuis le début de l'invasion russe en février 2022, a-t-il ajouté.
Le soutien nord-coréen apporté à Moscou illustre la nécessité du soutien des Etats-Unis, dont la propre sécurité est mis en cause, selon lui.
Le président français a répété l'importance à ses yeux de bâtir un "pilier européen de notre sécurité transatlantique". "C'est aussi ce qui est attendu par l'administration américaine à juste titre des Européens au sein de l'Alliance", a-t-il estimé.
Marge de manoeuvre
La visite de M. Blinken, dont la marge de manoeuvre est des plus étroites jusqu'au 20 janvier, intervient alors que des attaques de drones d'une ampleur inédite ont visé le week-end dernier l'Ukraine et la région de Moscou, et que s'amassent des milliers de troupes nord-coréennes dans la région frontalière russe de Koursk.
Le New York Times a affirmé que Moscou avait massé 50'000 soldats dont des Nord-Coréens pour tenter de déloger les troupes ukrainiennes contrôlant depuis trois mois cette partie de la région de Koursk.
"Quelle que soit l'approche adoptée par les dirigeants américains à l'égard de l'Ukraine, l'Europe devra se mobiliser et prendre la tête des efforts de défense de l'Ukraine", assurait récemment Olena Prokopenko, du German Marshall Fund, un centre de recherches transatlantique.
"Malheureusement, la victoire de Donald Trump survient sans doute au pire moment possible en ce qui concerne l'état politique et économique de l'Europe et sa capacité à se coordonner rapidement", ajoutait-elle.
A Bruxelles, on craint aussi que les membres de l'UE ne traitent la prochaine administration Trump de manière bilatérale, ce qui affaiblirait encore l'Union européenne, relève-t-elle.