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Prévoyance: La nouvelle bataille sur les retraites est lancée

La gauche et les syndicats partent en croisade contre la réforme du 2e pilier soumise en votation populaire.

Pierre-Yves Maillard se lance dans un nouveau combat en faveur des retraites. © Keystone
Pierre-Yves Maillard se lance dans un nouveau combat en faveur des retraites. © Keystone

Philippe Castella

Publié le 02.07.2024

Temps de lecture estimé : 4 minutes

Qui de la droite ou de la gauche l’emportera en septembre sur la réforme du 2e pilier (LPP)? Les paris sont ouverts. Le combat s’annonce féroce. Cette nouvelle bataille sur les retraites fait en quelque sorte office de belle, après la victoire de la droite il y a deux ans sur la réforme de l’AVS et le relèvement de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans (50,6% de oui), puis celle de la gauche en mars en faveur d’une 13e rente AVS (58,2% de oui).

C’est la gauche qui a ouvert les feux en lançant sa campagne mardi, le président de l’Union syndicale suisse (USS) Pierre-Yves Maillard en tête, en compagnie notamment du coprésident du Parti socialiste Cédric Wermuth.

Une histoire tourmentée

La large victoire de mars gonfle les espoirs du Vaudois: «Les gens ont compris que les rentes sont insuffisantes. Nous voulons rétablir la confiance dans le 2e pilier en arrêtant cette politique où on paie toujours plus et où on reçoit toujours moins.»

Le dossier a connu une histoire pour le moins tourmentée. Il est né sur les cendres du projet Prévoyance 2020, refusé par le peuple en 2017 (52,7% de non). Ce projet combinait réforme du premier (AVS) et du deuxième pilier, avec un élément qui avait suscité l’ire de l’UDC et du PLR: un supplément de 70 francs par mois des rentes AVS pour compenser les pertes dans le 2e pilier.

Après cet échec, le projet a été scindé en deux. La réforme du 1er pilier (AVS21) a été approuvée de justesse il y a deux ans. Plus complexe encore, celle du 2e pilier a été confiée par le Conseil fédéral aux partenaires sociaux. Un accord a pu être trouvé entre les syndicats et l’Union patronale, qui comprenait un complément solidaire de 200 francs pour compenser les pertes de rentes.

Un accord détricoté

Les partis de droite et l’Union suisse des arts et métiers (Usam) l’ont perçu comme une tentative d’introduire la logique solidaire du 1er pilier à l’intérieur du 2e pilier, basé sur l’épargne individuelle. «Ce modèle, c’était l’arrosoir», dénonce le centriste Benjamin Roduit (VS), «sans discerner quelle catégorie a réellement besoin d’une compensation».

Avec le soutien des assureurs, le parlement s’est empressé de détricoter ce modèle pour en élaborer un nouveau, avec un système de compensations plus ciblées, sans le soutien de la gauche. C’est ce modèle qui est soumis au peuple le 22 septembre.

L’élément central de cette réforme, à savoir l’abaissement du taux de conversion de 6,8% à 6%, a toutefois perdu de sa pertinence. Ce taux, c’est ce qui détermine le montant des rentes du 2e pilier. Cela signifie que par tranche de capital de vieillesse de 100 000 francs, un rentier ne touchera plus que 6000 francs par an au lieu de 6800 fr. Guère contesté à l’époque, cet abaissement est lié au vieillissement de la population.

La donne a changé

Pourquoi a-t-il perdu de sa pertinence? L’adieu aux taux d’intérêt négatifs et l’embellie sur les marchés financiers ont détendu la situation pour la plupart des caisses de pension. Celles-ci ont de toute façon anticipé la baisse du taux de conversion en jouant sur la partie surobligatoire.

«La moyenne des taux de conversion se situe déjà à 5,2% aujourd’hui», souligne Benjamin Roduit. «Seuls 15% des assurés subiront les effets de la baisse du taux de conversion et ce sont eux que visent principalement les mesures de compensations.»

«Cette réforme est un vol des rentes»
Vania Alleva

Le centriste valaisan le reconnaît: «Cette réforme paraît moins urgente, mais elle apporte quelque chose à la population. Du point de vue social, le statu quo est pire que ce qu’on propose dans cette réforme.» Et Benjamin Roduit d’évoquer notamment le meilleur accès des temps partiels et des bas revenus au 2e pilier, ce qui devrait bénéficier à de nombreuses femmes en particulier.

Une guerre des chiffres

A gauche, le statu quo, on est prêt à le faire durer. Présidente du syndicat Unia, Vania Alleva dénonce dans cette réforme un «vol des rentes». Les salariés de plus de 50 ans pourraient perdre, selon elle, jusqu’à 271 francs par mois, soit plus de 3200 francs par an. Quant aux bas et moyens revenus, ils pourraient payer jusqu’à 2400 francs de plus par an, souligne la vice-présidente de l’USS.

Ces chiffres sont contestés à droite. La campagne promet de belles envolées à ce sujet. Il sera toutefois bien difficile pour le quidam d’y voir clair, étant donné la complexité du système du 2e pilier, ainsi que des effets dilués de cette réforme sur les caisses de pension dites enveloppantes, à savoir toutes celles qui couvrent plus que les prestations minimales légales.

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