La Liberté

Les cloches, il en est carrément sonné

Marly Claude-Michaël Mevs - Mike sur Radio Fribourg - n’est pas qu’animateur, il est aussi campanophile. Sur son site internet «Quasimodo, sonneur de cloches», ce battant a répertorié et documenté plus de 200 clochers.

Claude-Michaël Mevs a pour passion les cloches et les clochers. Il pose ici dans le cloché de Prez-vers-Noréaz. © Vincent Murith/La Liberté
Claude-Michaël Mevs a pour passion les cloches et les clochers. Il pose ici dans le cloché de Prez-vers-Noréaz. © Vincent Murith/La Liberté

Francis Granget

Publié le 22.04.2014

Temps de lecture estimé : 6 minutes

Claude-Michaël Mevs serait assez du genre à avoir le bourdon, chaque week-end pascal, lorsque «les cloches partent à Rome». Beaucoup le connaissent comme Mike, l’animateur-producteur de Radio Fribourg à la voix enjouée. Ce Marlinois d’adoption est aussi l’administrateur du site internet Quasimodo, sonneur de cloches, dédié aux paysages campanaires de Suisse et d’ailleurs. Plus de deux cents clochers y sont répertoriés et documentés par des textes, des documents d’archives, des photos, des vidéos et des sons. «Le mois dernier, j’ai eu 17'000 clics sur mon site. C’est pas mal», glisse, presque gêné, ce campanophile (du latin campana: cloche).

La passion campanaire de Claude-Michaël Mevs, 45 ans, remonte à l’enfance. Son papa médecin dentiste l’emmène en voiture, alors qu’il est encore tout petit, pour lui faire découvrir les clochers de son Nord vaudois natal. «Le premier, c’était celui, ouvert, du temple de Fontenay, dans mon quartier d’Yverdon-les-Bains, se souvient-il. Ensuite, à Baulmes, vers l’âge de 5 ou 6 ans, j’ai vu mon tout premier bourdon. J’avais un peu peur d’être écrasé par cette grosse cloche de trois tonnes. C’est avec émotion que je suis retourné récemment l’immortaliser en compagnie de mon père. On en a passé du temps ensemble grâce aux cloches…»

Aujourd’hui, les bourdons que Mike côtoie - «Il y en a 21 dans le canton de Fribourg et seulement 6 sur Vaud», précise-t-il au passage - pèsent jusqu’à 6 ou 7 tonnes. Peu importe leur taille, pourtant, c’est l’histoire et la mélodie des cloches qu’il apprécie avant tout. «Les rencontres aussi que cette passion me permet de faire», souligne ce membre de la Guilde des carillonneurs et campanologues suisses (GCCS) et de son équivalent français.

Nobles dames de bronze

Adolescent, Mike met pourtant son hobby en veilleuse pour se tourner vers la musique. Parce que la radio est son autre passion. «Aussi parce que cela passait mieux auprès des potes que l’art campanaire», admet-il. En septembre 2008, pourtant, les Journées européennes du patrimoine, qui l’amènent à grimper dans les clochers de la cathédrale Saint-Nicolas à Fribourg et de la collégiale Saint-Laurent à Estavayer-le-Lac, ravivent la flamme pour ces nobles dames de bronze.

L’homme de radio met alors son savoir de communicateur au service d’un univers «trop souvent méconnu»: les cloches de nos églises. Au travers d’abord d’une simple chaîne YouTube, puis d’un blog et enfin au moyen d’un site lancé à la fin 2012 avec l’appui de son ancien collègue et ami, Jonathan Ruppen, webmaster et hébergeur. Parmi les amis qui l’aident à faire vivre sa passion, il cite volontiers le campanologue bernois Matthias Walter, le campaniste de Broc Jean-Paul Schorderet, le campanophile neuchâtelois Dominique Fatton ou encore le jeune carillonneur Antoine Cordoba, de Taninges, en France.

Prez parmi les classiques

En ce Jeudi-Saint, juste avant de partir pour Lyon dans un nouveau périple campanaire accompagné d’amis avec lesquels il partage ses sons de cloches, Mike nous invite à monter dans le clocher de l’église Saint-Jean-Baptiste, à Prez-vers-Noréaz. Certes, les cinq cloches y sont assez récentes - la dernière a été coulée en 1925 chez Ruetschi, à Aarau. Mais intéressantes: «Avec celui de la cathédrale Saint-Nicolas (treize cloches) et de la collégiale de Romont (dix cloches), le clocher de Prez fait partie des classiques que je fais découvrir aux campanophiles venus de l’extérieur», confie-t-il.

Sans doute leur parle-t-il aussi de cette chapelle de Grangettes, près de Romont, où on sonne encore à la main. De cette crécelle de Bösingen qui remplace les cloches à Pâques ou encore de Courtepin et de sa sonnerie en acier, une rareté, léguée par la paroisse de Schmitten.

Claude-Michaël Mevs est intarissable sur le sujet. «Saviez-vous par exemple que cette sixième petite cloche, tout au sommet du clocher de Prez, est une typicité fribourgeoise?, interroge-t-il. De petite taille, elle sert en effet à annoncer les décès dans la paroisse. On l’appelle la cloche de l’agonie.» Des fondeurs, aussi, Mike peut en parler durant des heures (lire ci-après). «J’espère que je ne vous saoule pas trop», s’excuse-t-il d’ailleurs, après une heure et demie d’un exposé à haut débit. Bien sûr que non, aimerait-on lui répondre. Trop tard. Le campanophile nous glisse déjà une dernière anecdote pour la route: «Au fait, vous avez vu le clocher? Les chiffres romains 3 et 4 sont inversés sur le cadran horaire.»

=> Le site internet de Mike se trouve sur www.quasimodosonneurdecloches.ch et il recommande aussi le cahier trimestriel de Pro Fribourg «Le patrimoine campanaire fribourgeois», édité en 2012. Infos sur www.pro-fribourg.ch.

 

***

Charles Arnoux, magicien broyard

Sur son site internet, Claude-Michaël Mevs consacre aussi plusieurs articles aux fondeurs. On y apprend ainsi que l’entreprise Ruetschi, à Aarau, est la dernière en Suisse à couler des cloches monumentales. On y lit aussi le parcours du dernier maître fondeur à avoir exercé son art dans notre canton: Charles Arnoux, à Estavayer-le-Lac, était réputé pour ses aptitudes manuelles, la maîtrise du métier et le sens de l’harmonie. «Décédé le 16 juin 1925, l’homme, originaire de Morteau en France voisine, possédait son atelier à la sortie de la ville, sur l’emplacement du garage Oberson actuel que précéda une fabrique de savon», raconte Mike, qui se base sur des écrits de Gérard Périsset et de Jean-Marie Barras.

«Le dernier travail important de cet artisan aussi loyal que sincère fut la fonte de cloches de l’église de Boncourt», rapportent les archives du «Journal d’Estavayer». Une multitude de paroisses des cantons de Fribourg, du Valais et du Jura bernois ont recouru aux services de ce fondeur habile et consciencieux, qui travailla d’abord au sein de l’entreprise de son beau-père François-Joseph Bournez, puis sous son nom. Selon les écrits, un autre fondeur, du nom de Pierre Berset, aurait par ailleurs exercé à Estavayer-le-lac, au XVIIIe siècle. Mais ça, c’est une autre histoire. FG

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