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Euro 2024: Cristiano Ronaldo, carte maîtresse ou boulet pour le Portugal?

En larmes en 8es de finale face à la Slovénie, fébrile et stérile depuis le début de l’Euro, Cristiano Ronaldo reste malgré tout un joueur d’exception selon nos consultants Bernard Challandes, Steve Guillod et Dominique Coelho.

A 39 ans, Cristiano Ronaldo a-t-il toujours le niveau pour mener le Portugal vers la victoire vendredi soir contre la France? Oui, répondent Bernard Challandes, Steve Guillod et Dominique Coelho. © Keystone
A 39 ans, Cristiano Ronaldo a-t-il toujours le niveau pour mener le Portugal vers la victoire vendredi soir contre la France? Oui, répondent Bernard Challandes, Steve Guillod et Dominique Coelho. © Keystone

Pascal Dupasquier

Publié le 04.07.2024

Temps de lecture estimé : 7 minutes

Le Portugal a-t-il un problème avec Cristiano Ronaldo? La question peut paraître iconoclaste. Et pourtant, elle n’a rien d’irrationnel après sa victoire heureuse face à la Slovénie en 8es de finale de l’Euro, compétition que l’icône du football lusitanien traverse comme une âme en peine… pour l’instant. Ses statistiques? Hormis une passe offerte à Bruno Fernandes en phase de groupes face à la Turquie, CR7 n’a jamais pesé sur le jeu offensif portugais. Plus parlant encore: malgré ses 20 frappes qui font de lui le joueur ayant adressé le plus de tirs au but depuis le début du tournoi (devant les 15 de Kylian Mbappé et de Kai Havertz), le quintuple Ballon d’or n’a jamais trouvé le chemin des filets.

A 39 ans et à quelques heures d’affronter la France en quarts de finale à Hambourg (21 h), Cristiano Ronaldo n’a-t-il tout simplement plus le niveau international, dispute-t-il le tournoi de trop? Réponses en quatre points avec Bernard Challandes, Steve Guillod et l’entraîneur franco-portugais Dominique Coelho.

1. Ronaldo, un problème pour le Portugal, vraiment?

Roberto Martinez a bâti tout son système de jeu autour de Cristiano Ronaldo, avec ce hic: le capitaine n’a pas le rendement attendu jusqu’à ce jour de quart de finale contre la France. CR7 est-il devenu un problème pour le sélectionneur portugais, lequel semble contraint à lui maintenir sa confiance, quitte à précipiter sa chute et celle de son équipe? «Cristiano Ronaldo n’est pas un problème, si les très bons joueurs sont des problèmes pour leurs coaches, alors il faut changer de métier», s’insurge Bernard Challandes. L’ancien entraîneur à succès, de Zurich et de l’équipe nationale du Kosovo notamment, le reconnaît cependant: «Bien sûr que c’est une situation difficile à gérer pour le coach et son staff, mais c’est leur boulot! S’ils pensaient que Ronaldo serait un problème, eh bien, il n’aurait pas fallu le prendre. Il n’a pas été décisif pour l’instant, mais ce n’est pas parce qu’il a loupé un penalty en 8es de finale qu’il n’est plus apte à jouer et à faire la différence. Pour moi, c’est un faux débat.»

Fin connaisseur du football portugais, Dominique Coelho abonde: «C’est un problème tout relatif, souffle l’ancien entraîneur de Portalban/Gletterens. Cristiano Ronaldo a une grosse personnalité dans l’équipe et avec la carrière qu’il a, il inspire énormément de respect auprès de ses coéquipiers. Cela peut être un avantage comme un désavantage, mais un joueur de sa trempe, je ne vois aucun inconvénient à ce qu’il soit centre-avant de l’équipe du Portugal.»

S’il partage pleinement l’avis de ses homologues, Steve Guillod y apporte toutefois quelques nuances: «Il a quand même des attitudes qui montrent qu’il cristallise à peu près toutes les attentions. Tu as l’impression que ses coéquipiers doivent toujours lui donner le ballon. Il veut tirer tous les coups francs, les penaltys et qu’on lui fasse des centres dans les 16 mètres, c’est dérangeant», confie l’ancien directeur sportif du FC Bulle. Puis de s’interroger: «Est-ce que cela permet à ses coéquipiers d’exploiter tout leur potentiel? Je n’en suis pas certain.»

2. L’entraîneur est-il condamné à le faire jouer?

«Du moment qu’on le sélectionne et qu’on lui donne les clés du camion en le désignant capitaine, on est obligé de finir la route avec lui», répond Dominique Coelho. «Si tu prends Cristiano Ronaldo à l’Euro, c’est pour le faire jouer, sinon tu ne le prends pas, abonde Bernard Challandes. Maintenant, et c’est un débat normal dans le football: est-ce que Roberto Martinez doit l’aligner depuis le début contre la France? Cela reste un choix d’entraîneur», développe le Chaulier, avant de supposer: «S’il pense que Ronaldo peut faire la différence depuis le début, il mettra Ronaldo depuis le début. S’il pense qu’il peut faire la différence en cours de match, il le fera entrer en cours de match. Encore une fois, c’est le problème de l’entraîneur. Cela dit, si tu sors Ronaldo maintenant, après sa prestation compliquée contre la Slovénie, tu le tues…»

«C’est le capitaine, tu ne peux pas le laisser sur le banc. Roberto Martinez en a fait un pilier de sa sélection et je sais qu’à l’interne, la situation est acceptée de tous», renchérit Steve Guillod, lequel estime, lui aussi, qu’une mise à l’écart s’avérerait dangereuse pour le Portugal: «Ronaldo, c’est un joueur clivant. Ceux qui l’aiment le vénèrent et le sortir du onze de base serait, je pense, une erreur. Cela pourrait créer encore plus de problèmes… Il ne faut pas oublier que cela reste un joueur d’exception et que le Portugal reste une équipe qui gagne.»

«Si tu sors Ronaldo maintenant, après sa prestation compliquée contre la Slovénie, tu le tues»
Bernard Challandes

3. Le constat de son irrémédiable déclin?

Au commentaire du 8e de finale contre la Slovénie, Yohan Djourou l’a dit sur la RTS: «Cela me fait mal de voir un joueur tel que Cristiano Ronaldo pleurer après son penalty raté»… Ses larmes, mais aussi ses émotions exacerbées depuis le début de l’Euro ne sont-elles pas, au final, le constat par Cristiano Ronaldo lui-même de son irrémédiable déclin? «Ses larmes, je ne les interprète pas tout à fait comme ça, réagit Steve Guillod. Quand son penalty est arrêté par le gardien Oblak, ses émotions ressortent parce qu’il se dit à ce moment-là: «Si on est éliminé, c’est moi qui porterai la responsabilité de cet échec». Ronaldo, on l’aime ou on ne l’aime pas, mais je ne remets pas en question son amour pour le maillot. De plus, quand c’est Federer qui pleure, tout le monde est ému. Mais quand c’est Ronaldo qui pleure, tout le monde critique. Et pourtant, ce sont tous les deux des champions.»

«C’est quelqu’un qui a toujours été très orgueilleux et c’est une machine de guerre. A partir de là, cela amène des émotions. Est-ce que ses larmes sont le reflet de son déclin, personnellement, je ne le pense pas», corrobore Dominique Coelho. «Ronaldo, c’est le joueur qui a inscrit le plus de buts en sélection et qui a marqué l’histoire du Portugal. Ses émotions sont normales. Quand il loupe son penalty, il sait qu’il dispute peut-être son dernier match sous le maillot et il n’a pas envie que ça se finisse comme ça. Ses larmes, il ne faut pas les comprendre différemment», insiste Bernard Challandes.

4. Peut-il retrouver son vrai niveau contre la France?

«Il court moins vite, saute moins haut, mais il reste un joueur d’exception», répond Bernard Challandes, avant de rappeler: «Si on écoutait Monsieur tout-le-monde, Ronaldo serait bon à jeter aux orties… Souvenez-vous, c’était la même chose il y a quelques années avec Granit Xhaka: tout le monde voulait le renvoyer à la maison et regardez quel joueur il est aujourd’hui!» Le technicien neuchâtelois s’enflamme alors: «Moi, je suis contre ces «y’a qu’à»… Y’a qu’à enlever celui-ci pour mettre celui-là, y’a qu’à changer ci, y’a qu’à changer ça… Ronaldo, on peut le trouver arrogant, trop bien payé, trop bien peigné, mais il ne triche jamais sur le terrain. D’ailleurs, ce sera peut-être lui, sur un éclair de génie, une illumination, qui emmènera le Portugal jusqu’en demi-finales, voire jusqu’en finale. A ce moment-là, le débat sera clos.»

«Il a 39 ans et pas mal de bougies se sont éteintes sur le gâteau de ses performances, image Steve Guillod. Mais même s’il n’a plus la même vitesse, la même explosivité, physiquement, il est hors normes. C’est une bestiole et j’aimerais qu’il réussisse un match énorme contre la France pour que l’on puisse s’extasier.»

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