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Pourquoi il n’est pas le plus grand

Avec autant de titres en grand chelem que Federer et Nadal, Djokovic peut-il prétendre à être le GOAT?


 Pierre Salinas

Pierre Salinas

14 juillet 2021 à 00:19

Tennis » «Je pense que je suis le meilleur (comprenez de l’ère Open, qui a débuté en 1968, ndlr). Mais est-ce que je suis le meilleur de tous les temps? Je laisse ce débat à d’autres. J’ai toujours dit que les différentes époques étaient difficiles à comparer.» Après s’être caché derrière des précautions oratoires qui sonnaient faux, Novak Djokovic a dit tout haut ce qu’il a toujours pensé tout bas, dimanche après sa victoire en finale de Wimbledon. Avec 20 titres du grand chelem, le Serbe de 34 ans est revenu à la hauteur de Roger Federer et Rafael Nadal, qu’il pourrait dépasser en septembre prochain, à l’US Open, considère le plus grand nombre, alors que d’autres préfèrent ne pas enterrer les plus âgés de la bande des trois trop tôt.

Le monde est partagé. Il l’est encore davantage depuis le sixième succès du No 1 mondial sur le gazon londonien. Et si c’était lui, «Djoko» le mal aimé, le GOAT (greatest of all time, soit le plus grand de tous les temps)? La question a été posée à deux connaisseurs de la petite balle jaune, jeunes d’esprit mais qui ont assez vécu pour ne pas s’arrêter à la seule période actuelle. Le premier, Jean-Christophe Piffaut, est Français et se décrit comme un conteur d’histoires protéiformes. Ecrivain et réalisateur, il a notamment signé L’invention du tennis, paru en 2007. Marc Aebersold, lui, est né à Genève en 1968. Ancien joueur de très bon niveau devenu entraîneur, il est l’auteur du livre Ce que j’apprends de Federer, sorti en 2011. Tous deux se sont gentiment prêtés au jeu, alors même qu’ils pensent que le combat n’a pas lieu d’être.

 

 

Des périodes très différentes

 

Parce que Djokovic, Nadal et Federer ont raflé 60 des 72 derniers titres majeurs, les années «Big Three» seraient les plus denses de l’histoire. Vraiment? «Les trois sont tellement au-dessus du lot qu’on peut se demander s’il n’y a pas, finalement, un appauvrissement du niveau général», observe Marc Aebersold, avant d’étayer son propos: «A chaque période, les jeunes ont dégommé les vieux. Or, là, c’est la première fois qu’ils n’y arrivent pas. Par exemple, avant de mettre un terme à sa carrière (à 31 ans, ndlr), Sampras s’était fait atomiser par Hewitt et Safin, le même Safin qui se fera bientôt atomiser par Federer. En 1974, on a cru que Connors était parti pour dominer le circuit: quatre ans plus tard, il se faisait évincer par McEnroe… Aujourd’hui, c’est comme si on ne parvenait plus à élever le tennis à un palier supérieur.»

Impossible de comparer. D’autant que Djokovic et consorts bénéficient d’avantages que leurs prédécesseurs n’avaient pas. Dès 2001, le passage de 16 à 32 têtes de série en est un. «Les meilleurs sont désormais ultraprotégés. Pour eux, les quatre premiers tours se résument parfois à une prise de température alors que, dans les années 90, les meilleurs pouvaient déjà avoir un premier match compliqué.» Les surfaces aussi ont changé. «A Wimbledon, Djokovic n’aurait pas aussi bien retourné le service de Sampras car le gazon était alors plus rapide et les balles plus vives», constate encore Marc Aebersold.

 

 

La quantité à dÉfaut de popularitÉ

 

Dimanche à Londres, la course au record du nombre de titres majeurs a pris un virage décisif, tant il semble acquis que Djokovic, plus jeune d’un an que Nadal et de six que Federer, ne s’arrêtera pas en si bon chemin. Mieux, si le Serbe devait s’imposer dans deux mois à New York, il serait le premier homme depuis la «roquette australienne» Rod Laver en 1969 à réussir le grand chelem. Gagner l’Open d’Australie, Roland-Garros, Wimbledon et l’US Open lors d’une même année calendaire: un exploit rare qui ne manquerait pas de le placer seul sur la plus haute marche du podium. «Laver a effectué son premier grand chelem en 1962, le deuxième en 1969. Mais entre les deux, il n’a pu disputer les tournois majeurs car ceux-ci étaient interdits aux professionnels. Sans ça, peut-être qu’il en aurait beaucoup plus», nuance Jean-Christophe Piffaut.

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