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Sports motorisés

Sébastien Buemi sur sa lancée

Champion du monde d’endurance et 3e en formule E à Berne, le Vaudois brille sur tous les fronts


 Christophe Spahr

Christophe Spahr

27 juin 2019 à 04:01

Automobilisme » Les dernières semaines n’ont pas manqué de piquant pour Sébastien Buemi. Il y a dix jours, le pilote vaudois (30 ans) remportait les 24 Heures du Mans en compagnie de ses coéquipiers de l’écurie Toyota avec qui il fêtait, dans la foulée, un nouveau titre de champion du monde. Une semaine plus tard, il conduisait sa formule E à domicile, ou presque. Soutenu par quelque 100 000 spectateurs dans les rues de Berne, l’Aiglon (3e) s’est hissé dimanche sur le podium du Grand Prix au volant de sa Nissan e.dams.

A peine remis de ses émotions, Buemi s’est présenté mardi à Orbe dans le magasin de l’un de ses partenaires. L’occasion de revenir sur la saison et la carrière du Vaudois, pilote polyvalent qui tient à le rester.

Sébastien Buemi, vous avez vécu dix jours assez intenses entre le succès aux 24 Heures du Mans et votre podium à Berne…

C’étaient les deux week-ends les plus importants de l’année, pour moi. En plus, ils se suivaient. Ça me tenait à cœur d’obtenir de bons résultats. Au final, ça s’est donc très bien passé. Il faut savoir que Le Mans, c’est un vrai marathon de cinq mois. Depuis janvier, nous effectuons de grosses séances d’endurance, huit phases de 30 heures afin de préparer cette épreuve. En mai, il y a un premier test officiel avant la semaine proprement dite. Autant dire qu’avant même de s’élancer, nous sommes déjà bien entamés.

Ce deuxième succès au Mans aux côtés de Fernando Alonso et de Kazuki Nakajima vous offre, en plus, un deuxième titre mondial après 2014. Les circonstances n’étaient toutefois pas les mêmes…

Déjà, les 24 Heures du Mans clôturent désormais la saison d’endurance. C’est une volonté de la fédération internationale (FIA) afin de maintenir l’intérêt pour le championnat jusqu’à la fin puisque cette épreuve, la seule qui se déroule durant 24 heures, offre le plus de points. De notre côté, il nous suffisait de terminer au septième rang pour être assurés du titre. Il fallait éviter de commettre la moindre erreur. Nous ne devions pas prendre de risques alors que nos coéquipiers, chez Toyota, devaient absolument gagner. Ce n’est pas facile à gérer…

Les deux titres mondiaux sont-ils comparables?

Le premier est toujours spécial. En plus, nous avions précédé Porsche et Audi. Sur le papier, ce titre a plus de valeur. En 2019, nous avons battu nos coéquipiers chez Toyota. C’était une lutte à l’interne. Mais ce n’est pas plus facile pour autant parce qu’ils ont la même voiture que nous. Il faut donc vraiment être meilleur à voiture égale.

En endurance, Toyota a fait quelque peu le vide autour de lui. Ne souhaiteriez-vous pas davantage de concurrence?

Un nouveau règlement entrera en vigueur en août 2020. Il devrait inciter Aston Martin, Porsche et Ferrari à revenir en endurance. Si ces arrivées se concrétisent, le championnat deviendra super intéressant. Jusque-là, j’admets que ce n’est pas top.

Une semaine plus tard, vous êtes monté sur un nouveau podium. A Berne, lors du Grand Prix de formule E. Que représente ce troisième rang?

Il fait du bien parce que j’avais un peu de pression du fait de courir à domicile. Ce qui est difficile pour moi, cette année, c’est que je suis le plus rapide en qualifications, en moyenne, mais je ne suis que septième au championnat. J’ai eu trop de pépins mécaniques. Il aurait suffi que je gagne à Paris, là où j’étais en tête avant de subir une crevaison, pour que je me retrouve deuxième au général. Et je me battrais pour le titre… Paradoxalement, je suis bien plus compétitif que la saison passée en termes de vitesse, mais ça ne se traduit pas dans les résultats.

Il y avait 100 000 spectateurs à Berne, mais 8000 payants seulement. Est-ce un gros succès populaire?

Croyez-moi, on ne pouvait pas héberger davantage de personnes. Les gens étaient entassés, jusque perchés dans les arbres. Le problème, c’est que la formule E tient à rester dans les centres-villes mais l’espace y est forcément plus restreint. Le but, ce n’est pas de financer les Grands Prix avec la billetterie. Ce sont les sponsors et les plateformes VIP qui assurent le financement. L’avantage de la formule E, c’est qu’elle ne coûte rien aux villes ni à la communauté. Le seul problème de Berne, ce sont les rues très étroites qui interdisent quasiment tout dépassement.

Pourquoi la formule E est-elle si attractive?

A l’inverse de la F1, où les plus grosses écuries disposent de tels moyens qu’elles ne cessent de creuser l’écart avec la concurrence, en formule E, la voiture est la même pour tous les pilotes à l’exception du moteur. Il y a donc moins de marge pour établir de grosses différences. En résumé, l’argent ne permet pas, ou très peu, d’être plus performant que son rival. Les budgets s’élèvent à 30 millions de francs. Rien ne dit qu’en investissant 50 millions, une écurie ira beaucoup plus vite. Ce règlement est l’avenir du sport automobile. La F1 se dirige dans cette direction. Il faut toutefois que les constructeurs puissent continuer à développer leurs voitures, une avancée technologique qui profitera au grand public à la fin. Le vrai défi, c’est de trouver le juste milieu.

La concurrence ne vous effraie donc pas?

Le pilote aime la bagarre avec ses adversaires. Regardez la F1 aujourd’hui! Il n’y a que deux voitures susceptibles de gagner et trois écuries qui se battent pour un podium. Il n’y a plus de problèmes mécaniques, quasi plus d’accrochages non plus. Ce n’est pas bon pour le sport.

Voilà des années que vous pilotez sur les deux fronts. Envisagez-vous toujours de poursuivre cette voie à l’avenir?

Oui, c’est ma volonté. Mais ce n’est pas facile de trouver des écuries qui acceptent cette situation et, surtout, qui tolèrent que l’on pilote une fois sur deux pour un concurrent. Je suis toutefois conscient que la formule E ne cesse de grandir. Cette catégorie a un avenir alors que l’endurance, avec le départ de quelques marques, a perdu un peu de son intérêt.

Vous avez à peu près tout gagné, à l’exception de la formule 1. Que vous manque-t-il?

J’aimerais continuer à remporter des courses, à gagner encore au Mans et marquer un peu l’histoire de la formule E. Je ne me vois pas forcément changer.

Le Nouvelliste/FR

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