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Les objets fétiches des sportifs

Bien plus qu’un outil de travail

Le hockeyeur prépare sa canne, désormais en matériau composite, avec minutie. Question de sensibilité

La canne a horreur des microfissures.

 Patricia Morand

Patricia Morand

6 août 2019 à 23:57

Jamais sans ma canne » Cet été, La Liberté raconte la relation de différents sportifs avec leur outil de travail. Cinquième épisode: la crosse de hockey, indispensable pour manier le puck. Auparavant en bois, elle se décline désormais en matériau composite.

Meilleur compteur de l’histoire de Gottéron avec 651 points (242 buts, 409 assists), Slava Bykov contrôlait la rondelle avec art. «Ma canne, c’était presque ma deuxième femme, s’exclame le Marlinois. Elle était plus qu’un outil de travail. C’est comme une belle voiture: il faut se sentir à l’aise dans le maniement afin d’être performant.»

Le hockeyeur prépare sa canne avec minutie. «Chacun a ses manies», observe Olivier Sugnaux, responsable du matériel des Dragons. «Gil Montandon mettait 25 tours de toile en haut du manche pour l’empoigner avec son gant. Pas un de plus. J’en avais fait 26 ou 27 et… il avait remarqué que c’était trop épais. Une question de millimètres, mais il l’avait ressenti.»

Le souci du joueur

«Avant, je traficotais pas mal ma canne avant de l’utiliser», rappelle quant à lui Andreï Bykov. «Je commençais par la ponceuse sur la palette pour arrondir certains angles. Et je changeais un peu durant la saison.» L’attaquant de 31 ans se reconnaît pointilleux. «Certains accordent moins d’importance au matériel. Ils sont talentueux, même avec des souliers de ski sur la glace… Tout le monde est différent. Certains sont plus sensibles et c’est difficile, pour le chef de matériel, de jongler avec toutes ces particularités.» C’est la raison pour laquelle, chaque joueur s’occupe de sa canne.

« La canne doit être adaptée à ma taille, flexible, et surtout... marquer des goals »

Andreï Bykov

Le développement de bâtons en matériau composite et carbone a modifié les habitu-des. «Les cannes sur mesure peuvent être utilisées tout de suite, juste après un peu de toilage sur la palette, raconte Andreï Bykov. Dès que je la prends dans mes mains, je sais si elle est bonne ou pas. C’est instantané. Après cette première prise en main, je m’adapte à ma nouvelle canne quand je vais sur la glace. Il me faut un ou deux entraînements afin de bien la sentir.»

En début de saison, Andreï Bykov reçoit six à douze cannes neuves. «La courbure est importante, l’équilibre entre la palette et le manche. Le visuel entre la palette et le bout du manche doit être très fin, expose le perfectionniste. La canne doit être adaptée à ma taille. Elle doit être flexible et… surtout marquer des goals! J’ai dû changer de marque cette année. J’espère inscrire autant de buts que les saisons passées, si ce n’est plus.»

Andreï Bykov en a quatre ou cinq à disposition pour une rencontre. «Comme je joue au centre, je reçois beaucoup de coups sur la palette ou le manche lors des engagements. Généralement, j’espère n’en utiliser qu’une. Mais il m’est déjà arrivé d’en casser quatre durant le même match. Plus jeune, je me contentais de trois cannes et si je les cassais toutes avant la sirène finale, j’étais vite embêté. Surtout si cela se terminait aux tirs au but et que je devais tirer…»

Canaliser sa frustration

Une canne coûte cher, jusqu’à 350 francs/pièce. «On en prend soin et on grince des dents quand on en casse une», assure le porteur du numéro 89 des Dragons qui réfléchit deux fois avant de passer sa rage sur son outil de travail. «Le coup de rage va se faire en deux temps, le premier de mécontentement et le deuxième en pensant au porte-monnaie. Je n’ai pas beaucoup brisé de cannes de rage. J’en ai lancé, mais j’ai toujours regretté, au moment où elle quittait mes mains! En grandissant, on canalise mieux sa frustration.»

Sa joie de marquer, Andreï Bykov ne va pas la manifester en embrassant sa canne. «Je préfère embrasser mes coéquipiers», conclut-il.

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