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Échappée matissienne à Tanger

Article en ligne – critique BD » Dans Tanger sous la pluie, Fabien Grolleau et Abdel de Bruxelles reviennent sur les séjours marocains du peintre Henri Matisse.


Kessey Dieu

Kessey Dieu

7 mars 2022 à 12:55

Dans l’univers du neuvième art, les biographies desssinées ont la cote de nos jours. La dernière collaboration de Fabien Grolleau (scénario) et Abdel de Bruxelles (dessin) s’inscrit dans cette tendance: avec Tanger sous la pluie, une biographie romancée parue en janvier dernier aux éditions Dargaud, les auteurs explorent un épisode charnière de la vie artistique de Henri Matisse, à savoir ses deux séjours à Tanger, au Maroc.

L’histoire débute en 1912. Déprimé par le décès de son père et par la montée du cubisme à Paris, Matisse embarque pour Tanger afin de changer d’air, accompagné de son épouse. Sur les traces de Delacroix, il est à la recherche d’une «nouvelle lumière». Mais la pluie, incessante, contrecarre tous ses projets et le contraint à se confiner dans sa chambre d’hôtel. En attendant le retour du soleil tangérois, Matisse transforme celle-ci en atelier de peinture et exige une modèle. Le personnel lui ramène Zorah, une fille de joie, car «aucune femme convenable» n’accepterait de poser pour un peintre français…

Visuellement, l’album est une réussite. Le style épuré du dessinateur rend la lecture fluide et agréable. Les vignettes sont aérées, le trait net, on ne se noie pas sous les détails. Les décors ne sont pas pour autant négligés, bien au contraire: l’architecture, les tenues et le mobilier sont tout à fait somptueux. Les paysages, tantôt ruraux, tantôt urbains, également. Ils nous immergent instantanément au Maroc. Les couleurs vives rappellent les toiles de Matisse.

Au niveau du scénario en revanche, on reste sur sa faim. On s’attendait à voir plus de planches sur Matisse et sa peinture. Les auteurs ont néanmoins choisi de se concentrer sur sa rencontre avec Zorah. C’est dommage, car les passages les plus captivants de la bande dessinée sont ceux qui ont trait à la peinture. On pense par exemple à la scène où l’on voit Matisse dégainer soudainement son pinceau en pleine rue pour croquer les habitants tangérois, émerveillé par les paysages qui se présentent à lui. Ses moments d’introspection par rapport à son art, qu’on découvre à travers les lettres rédigées à sa femme ou les dialogues avec les locaux, sont également prenants. Un récit davantage centré sur Matisse aurait donc été préférable. Mais les péripéties autour Zorah restent néanmoins intrigantes. L’histoire personnelle de cette dernière, qui prend la forme d’un conte rappelant ceux des Mille et Une Nuits, dénonce avec poésie les tristes injustices vécues par les femmes, et vaut tout de même le détour.

Tanger sous la pluie est donc une lecture légère, qui conviendra à quiconque souhaite s’échapper dans le Maroc des années 1910 le temps d’une après-midi, que l’on soit passionné de peinture ou non.
 

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