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Cohabiter avec la panique

L’article en ligne – Critique BD » Dans La Mer verticale, Brian Freschi et Ilaria Urbinati nous entraînent dans les pas d’India, qui cherche à surmonter ses crises de panique. Un long chemin semé d’embûches.


Eléa Jacquot

Eléa Jacquot

21 mars 2022 à 10:33

Lire La Mer verticale, c’est assurément ressortir troublé d’une parenthèse à la fois dure et bienveillante, qui nous emmène dans un monde tantôt imaginaire, tantôt terriblement réaliste. Publié en février 2022, cet ouvrage de Brian Freschi et d’Ilaria Urbinati nous plonge dans l’histoire d’India, une jeune institutrice de l’école primaire Dante Arfelli. Alors qu’elle exerce un métier qui la passionne et qu’elle mène une vie en apparence parfaite, elle se met brutalement à souffrir de crises de panique. 
Comment les vit-elle ? La question est au cœur du récit. A travers les yeux de l’héroïne, l’ouvrage parcourt le long processus de compréhension et d’acceptation qu’elle entreprend. Une progression qui lui permettra non pas de guérir de sa maladie, ni de la combattre frontalement, mais plutôt d’apprendre à vivre avec, main dans la main. En parallèle de ce chaos interne, India tente tant bien que mal de poursuivre son travail auprès des enfants, malgré les critiques et les craintes que son état mental suscite, notamment dans les rangs des parents d’élèves. 


Un style saccadé


« Ça fait quoi d’avoir une crise de panique ? […] Ça fait comme … la mer. Comme si elle envahissait mes veines jusqu’à me submerger complètement … Je ne peux plus respirer, ni voir. ». A l’image de cette phrase prononcée par l’héroïne, ce sont les pensées et le personnage d’India que l’on découvre le plus en profondeur. Par bribes, puisque le récit aborde successivement plusieurs courts moments de sa vie, sans jamais s’éterniser plus de quelques pages sur une même scène. 
Cette discontinuité est à double tranchant. Efficace et positive d’une part, elle permet de se plonger pleinement dans la tête de l’héroïne, dans ses douleurs, ses peurs, son envie de comprendre et d’apprivoiser le problème. Un récit plus lisse et ininterrompu n’aurait en effet pas permis de transmettre les difficultés d’India de manière aussi précise. Un instant, tout paraît normal. La page suivante, la crise bat son plein. Tout comme la jeune femme, on se sent embarqué dans un tourbillon qu’il est dans un premier temps difficile d’appréhender. C’est là toute l’ambiguïté de cet effet saccadé. Comprendre l’enchaînement des dessins et de l’histoire n'est pas évident, particulièrement en début de récit.


Transmettre les émotions


Complexes à déchiffrer, les illustrations n’en restent pas moins de véritables vecteurs d’émotions. Tant par les visages, qui bien que dessinés d’un trait plutôt simple sont en réalité très expressifs, que par les couleurs. Des tons pastel de ses moments de vie quotidienne, on tombe dans l’obscurité et la pesanteur dès que la panique guette. De même, l’histoire d’Hava – personnage inventé par India pour expliquer sa situation à ses jeunes élèves, sous les traits d’un conte – est entièrement expliquée en noir et blanc. Ainsi assombrie, la panique n’en est que plus trouble. Elle s’abat sur l’héroïne à la manière d’un brouillard étouffant. 
S’il est ainsi possible de s’identifier profondément aux émotions d’India, les personnages qui l’entourent restent en revanche peu développés. On connaît certes leurs réactions face à sa maladie, leur incompréhension et leur rejet en particulier. Cependant, il est difficile d’imaginer le fond de leur pensée. L’apport d’un regard plus omniscient aurait été intéressant.
 

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