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Histoire vivante

Israël - Palestine. l’impossible partage

La politique de colonisation israélienne limite toujours plus les chances de viabilité de l’Etat palestinien Nouveau: film documentaire désormais disponible au bas de l'article


 Pascal Fleury

Pascal Fleury

24 août 2018 à 04:01

Proche-Orient » La solution à deux Etats pour régler le conflit israélo-palestinien est-elle encore crédible? Soutenue fermement dès 2001 par George W. Bush, qui soulignait que «l’idée d’un Etat palestinien a toujours fait partie d’une vision, à condition que le droit à l’existence d’Israël soit respecté», elle s’est peu à peu imposée dans la plupart des chancelleries de la planète. En 2017, elle a d’ailleurs été qualifiée de seule solution possible par le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. En Suisse aussi, le Conseil fédéral a encore confirmé, en juin dernier, son appui à une solution négociée à deux Etats.

La frontière prise en considération est en général la Ligne verte résultant des accords d’armistice conclus en 1949 entre Israël et les Etats voisins, appelée aussi «frontière de 1967», c’est-à-dire d’avant la guerre des Six Jours.

L’arrivée au pouvoir de Donald Trump a cependant changé la donne. Selon divers observateurs, cette solution à deux Etats n’est désormais «plus réaliste». Dans un récent ouvrage intitulé Le grand secret d’Israël1, le correspondant à Jérusalem Stéphane Amar (Arte, BFM TV, RTS) parle même, s’agissant de la création d’un Etat palestinien, de la «plus grande illusion diplomatique du siècle écoulé».

Tournant diplomatique

Dès son entrée à la Maison-Blanche, le président Trump confirme sa politique résolument pro-israélienne en nommant David M. Friedman ambassadeur en Israël, un juif orthodoxe qui se dit pour le moins «sceptique» vis-à-vis de la solution à deux Etats. Trump enrôle aussi comme haut conseiller diplomatique son gendre de confession juive Jared Kushner, l’époux d’Ivanka Trump, qui appartient à une puissante famille new-yorkaise impliquée financièrement dans plusieurs organisations philanthropiques sionistes. Et en février 2017, lors d’une rencontre des plus chaleureuses avec le premier ministre Benyamin Netanyahou à Washington, qui tranche d’ailleurs singulièrement avec l’ère Obama, il enfonce le clou: «Je peux vivre avec un ou deux Etats!»

«Les Etats-Unis ont définitivement tourné la page des accords d’Oslo (lire ci-contre), commente Stéphane Amar. En désacralisant la solution à deux Etats et en reconnaissant Jérusalem comme capitale, Donald Trump ouvre la voie à l’annexion de la Cisjordanie.» «Certes, précise le journaliste, Israël n’a pas attendu le blanc-seing américain pour installer un demi-million de ses citoyens de l’autre côté de la Ligne verte. Mais le vent nouveau qui souffle à Washington a définitivement décomplexé les partisans de l’annexion et désarmé ses adversaires.» Selon l’ONG israélienne Paix maintenant, le Gouvernement israélien a approuvé la construction de plus de 15 000 logements depuis 2017 en Cisjordanie.

Benyamin Netanyahou encourage le processus de colonisation «afin de miner davantage les conditions de création d’un Etat palestinien», analysent l’historienne et politologue Stéphanie Latte Abdallah et l’anthropologue Cédric Parizot, qui ont mené plusieurs projets de recherche sur les mobilités transfrontalières dans les espaces israélo- palestiniens2.

Séparation trompeuse

Les deux chercheurs relèvent une «illusion de la séparation territoriale». La mise en place du Mur de séparation et de check points a fortement mobilisé l’imaginaire d’une ligne frontière dissociant deux entités nationales et territoriales. De fait, l’imbrication entre les espaces des deux populations s’est accentuée à tel point qu’elle compromet chaque jour un peu plus la création d’un Etat palestinien viable aux côtés d’Israël. «Alors que les colonies israéliennes et Israël sont restés un «archipel» d’îlots parfaitement connectés, les «enclaves» palestiniennes sont devenues de plus en plus isolées les unes des autres jusqu’à former un espace profondément discontinu», observent les chercheurs.

Va-t-on alors vers une annexion complète de la Cisjordanie par Israël, Gaza étant, pour l’instant, abandonné au Hamas? La réponse pourrait dépendre de l’évolution démographique, estime la chercheuse Julieta Fuentes-Carrera, qui s’est penchée sur la question d’Israël et son «obsession du territoire»3. Pour l’instant, les populations juive (6,9 millions) et arabe (6,5 millions) sont plus ou moins à parité. Mais avec la politique d’immigration, la très forte fécondité des Haredim (ultra-orthodoxes) et une marginalisation économique et politique qui pousse la jeunesse palestinienne à s’exiler, Israël pourrait compter sur une judaïsation progressive des territoires occupés.

Israël joue la montre

«Le Gouvernement israélien joue la montre, persuadé que la balance démographique penchera bientôt irrémédiablement en faveur des Juifs», affirme Stéphane Amar. Qui rappelle que l’annexion de la Cisjordanie comporterait des «risques énormes». En l’absence d’Etat palestinien, estime-t-il, Israël devrait trouver un cadre institutionnel pour intégrer plusieurs millions de Palestiniens sans mettre en danger sa cohésion ni renoncer à son caractère démocratique. Il devrait mettre fin à une occupation militaire tout en garantissant la sécurité de la population. Et bien sûr, assurer la coexistence pacifique de toutes les religions à Jérusalem. Avec de tels défis, le statu quo pourrait perdurer encore des années…

1 Stéphane Amar, Le grand secret d’Israël – Pourquoi il n’y aura pas d’Etat palestinien, Ed. de l’Observatoire, 2018.

2 Stéphanie Latte Abdallah et Cédric Parizot (dir.), Israël/Palestine, l’illusion de la séparation, Ed. Presses universitaires de Provence, 2017.

3 Julieta Fuentes-Carrera, Israël – L’obsession du territoire, Ed. A. Colin, 2018.


 

Un conflit israélo-palestinien voué au statu quo

De nombreuses initiatives ont été lancées pour mettre fin au conflit israélo-palestinien. Mais aucune n’a abouti.

«Je ne pense pas qu’il y a un endroit au monde qui ait autant de projets d’entente que le Moyen-Orient avec aussi peu de résultats!» Ces propos, tirés du documentaire Chroniques secrètes d’Oslo, à voir dimanche sur RTS2, sont de Shimon Peres. Ministre israélien des Affaires étrangères entre 1992 et 1995, il fut l’un des artisans des négociations de paix menées avec le président de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) Yasser Arafat, alors considéré comme un «terroriste». Le rapprochement, d’abord secret, avait débouché sur les accords d’Oslo en 1993, qui posaient les bases pour une autonomie palestinienne. Mais le processus de paix avait été rapidement torpillé, le premier ministre israélien Yitzhak Rabin étant même assassiné par un étudiant d’extrême droite opposé à l’accord, le 4 novembre 1995, à Tel-Aviv.

Depuis lors, les initiatives de paix se sont succédé en vain: sommet de Camp David II en 2000, Feuille de route de George Bush et Initiative de Genève en 2003, conférence d’Annapolis en 2007, plaidoyer du président Barack Obama en faveur d’un Etat palestinien souverain en 2010, pourparlers à Amman en 2012, tentatives diplomatiques du secrétaire d’Etat américain John Kerry en 2013, conférence de Paris en 2017... Rien n’y a fait.

L’adoption par la Knesset, en juillet dernier, de la Loi fondamentale «Israël, Etat-nation du peuple juif», n’a rien arrangé. Officialisant une discrimination de fait envers les non-Juifs, privilégiant l’hébreu, encourageant la colonisation et déclarant capitale le Grand Jérusalem unifié, elle mine toute velléité de dialogue en faveur de la paix. PFY


 

Chroniques secrètes d'Oslo

1992. Les relations israélo-palestiniennes étaient au plus bas. Dans une tentative d'arrêter l'effusion de sang, un petit groupe d'Israéliens et de Palestiniens enfreignent la loi et se réunissent secrètement à Oslo. Nous n'avons qu'une seule trace de ces réunions qui auraient pu changer le Moyen-Orient: le journal que tenaient les négociateurs. Durée: 98'

 

 


 

Radio: Ve: 13 h 30

TV: Chroniques secrètes d’Oslo Di: 20 h 40 Lu: 22 h 45

 

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