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Les lettres à nos aînés

Lettre à Cécile, et à vous toutes et tous


4 avril 2020 à 04:01

Lettre à nos aînés » Je ne te visite pas assez je le sais. J’ai toujours un sac plein d’excuses dans lequel je pioche trop facilement: trop de boulot, trop de projets, des amis à la maison ce soir, je ne suis pas chez moi aujourd’hui, je suis à l’étranger cette semaine… Mais je ne te visite pas assez, c’est certain.

J’avais prévu de venir en janvier, j’avais prévu de venir en février. Je me suis dit que mars serait parfait et puis voilà, confinement, chacun chez soi, ne surtout pas mélanger les générations. Vous protéger, en restant à la maison.

Alors je t’ai appelée mais comme tu n’entends presque plus rien, le téléphone montre bien vite ses limites. J’ai beau hurler dans le natel, tu répètes un je comprends rien désemparé.

Et puis, quand l’aide-soignante t’explique, ta voix aiguë «oh c’est Matthieu! Il me fait tellement rire.» Et moi qui crie si fort: «Salut Cécile! Salut Cécile!» que les voisins ont dû me prendre pour un fou. «Quand est-ce qu’il vient?» Dès que le virus sera parti lui, a répondu l’aide-soignante, avec une infinie tendresse. Sans elle, jamais Cécile ne m’aurait entendu et le lien aurait semblé rompu.

Promis, je viens, dès que le virus sera parti, je viens, plus d’excuse cette fois. Seulement des mercis. A toutes ces personnes qui accompagnent Cécile et à tous les autres. Et des tenez bon à tous les autres qui sont bloqués chez eux. Et je te ferai rire – Cécile tiens-toi prête, j’aurai un sac plein de mes meilleures blagues.

Matthieu Corpataux écrivain, Fribourg

Photo Nicolas Brodard

Rubrique lancée de concert par La Liberté, Arcinfo, Le Quotidien jurassien, Le Journal du Jura et Le Nouvelliste. A écouter aussi Porte-Plume, à 11 h, sur RTS-La Première. Pour vos lettres à nos aînés: redaction@laliberte.ch

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