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Religions

Quel sens donner à Noël aujourd’hui

Comment parler de la naissance de Jésus dans notre société déchristianisée? Les pistes du pasteur Lipp


 Marie Destraz, Protestinfo

Marie Destraz, Protestinfo

18 décembre 2021 à 02:01

Nativité » Chaque année pour les Eglises, le défi est de taille: redire le sens de Noël. Comment rester audible dans une société déchristianisée? Le pasteur Jean-Baptiste Lipp, président de la Conférence des Eglises réformées romandes, livre son regard sur un Noël au sens pluriel. Interview.

Y a-t-il encore du sens à fêter Noël aujourd’hui?

Jean-Baptiste Lipp: Les fêtes qui entourent le solstice d’hiver ont toujours été une réponse à notre besoin humain de marquer ce passage. C’est notre côté celtique! C’est une période difficile, à de nombreux égards, un cap terrestre aussi qui a des conséquences sur notre psychisme. Nous avons besoin de lumière et de clarté. Il y a non seulement toujours du sens à fêter Noël, et je dirais même que ce sens est aujourd’hui pluriel.

La fête chrétienne marque-t-elle aussi ce passage?

Au sein d’une civilisation chrétienne, la fête religieuse de Noël jouait cette fonction. Dans une société sécularisée, ce n’est plus le cas. Bien sûr, les églises font encore le plein pour les célébrations de Noël. Il y a un besoin de se rendre à l’église parallèlement à la fête familiale, de vivre ce que propose la foi chrétienne autour de ce passage. A la différence près qu’aujourd’hui, les Eglises sont appelées à accueillir celles et ceux qui souhaitent y venir, sans prétendre pour autant avoir une place dans l’espace public. L’éviction des crèches en est un exemple très concret.

Dans une société sécularisée et multiculturelle, fêter Noël pose-t-il un problème?

Le problème aujourd’hui réside dans l’articulation du Noël chrétien avec certaines parties de la société. Si l’on ne peut plus chanter Noël dans les écoles ou même les EMS, en tant que chrétiens, nous ne devons pas jouer les vierges effarouchées ou être vindicatifs. Car ce n’est pas la faute de ces structures, mais bien un problème de société.

Vous avez vécu personnellement cette mise au ban de Noël?

Pour moi, il y a eu un avant et un après 2008. A cette époque, j’avais quitté le canton de Fribourg pour exercer mon ministère dans le canton de Vaud. J’y ai observé le divorce entre la société et l’Eglise autour de Noël. Invité par ma commune à l’occasion du Noël des écoles, je ne pouvais parler ni de la Nativité, de peur de «froisser les sensibilités», ni de Jésus, ni de la crèche. En fait, il s’agissait de parler de Noël sans en parler. Cela m’a fait réfléchir: peut-on se passer de Noël? Si le message chrétien qui entoure cette fête n’est pas souhaité à l’extérieur des Eglises, alors célébrons-le d’autant plus allégrement dans nos paroisses! N’imposons pas, mais gardons notre porte ouverte.

Noël ne reste-t-il pas le moment de l’année où les Eglises peuvent encore adresser un message audible par tous?

Les Eglises bénéficient en effet à cette période d’une tribune traditionnelle. Nous pouvons nous en réjouir. C’est une occasion d’adresser un message aux chrétiens du premier cercle et aux personnes plus distancées qui ne se rendent à l’église qu’à Noël. J’espère que les Eglises en ont conscience, qu’elles mettent du soin dans la préparation de ce moment. Il faut oser saisir cette chance.

Le message de Noël s’adresse-t-il donc à tous?

Le message de Noël reste universel, quelle que soit la surface sociétale. Néanmoins, dans notre société sécularisée et multiculturelle, il ne s’agit pas d’être dans une reconquête ou une séduction. Dans le récit de la Nativité, les bergers et les mages n’étaient pas le public cible et pourtant ils ont reçu la bonne nouvelle.

Que vous inspire ce vacarme consumériste, qui a pris le pas sur Noël?

On cherche à remplir le vide. Dans le vacarme, c’est la question du silence, mais aussi de l’absence qui se posent à Noël. Voilà pourquoi je n’aime pas la chanson Jingle Bells, mais que je lui préfère D’un arbre séculaire. Voilà pourquoi, c’est dehors, face aux étoiles que je me sens bien à Noël. Car les biscuits en forme d’étoiles et celles qui ornent le sapin ne remplacent pas les vraies.

Que peuvent faire les Eglises face à cette réalité?

Elles ne doivent surtout pas accuser Noël de ne pas être Noël. Il faut rester humble, car Noël existait avant les Eglises, et nous devons nous réjouir d’avoir un Noël parmi d’autres avec un message porteur.

Alors que nous vivons un deuxième Noël avec la pandémie, quel message les Eglises peuvent-elles apporter?

Il s’agit d’inviter à revisiter nos convictions religieuses, en termes de rapport entre liberté individuelle et solidarité, d’articulation entre le mondial et le local, d’interaction entre l’humanité et la nature. Car c’est ce que la pandémie a mis en avant et interrogé. Pour les Eglises, ce serait l’occasion d’offrir des espaces de débat, notamment dans les paroisses. Elles sont aussi porteuses d’une espérance qui doit nous pousser à aligner notre agir sur ce en quoi nous croyons. Cela implique une discipline, intellectuelle et spirituelle notamment, mais essentielle.

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