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Économie

Pas d’armes suisses vendues en Ukraine

La guerre pose la question des exportations d’armes alors que l’industrie se porte comme un charme


Guillaume Chillier

Guillaume Chillier

26 mars 2022 à 02:01

Guerre » A entendre la Confédération, la Suisse fait tout juste légalement quand elle vend ses armes ou autres matériels civils à l’étranger. Elle ne les vend pas à des pays en guerre et s’assure que leur éventuelle réexportation respecte législation et directive. Les fusils d’assaut schaffhousois retrouvés dans la guerre au Yémen? Ils ont été vendus plusieurs années avant que le conflit n’éclate. Les avions Pilatus en soutien au bombardement en Afghanistan? Ce n’est pas du matériel de guerre, a priori. Des chars de transport de troupe transformés, armés et utilisés par la police brésilienne pour intervenir dans des favelas? Pas de problème.

Et quand on demande au Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) la probabilité que des armes suisses soient utilisées dans le conflit en Ukraine, il ne répond pas vraiment. Ce qu’il nous apprend par contre, c’est que la Suisse n’exporte plus d’armes en Russie ou en Ukraine depuis 2014, année de l’annexion de la Crimée. Elle n’a toutefois pas été avare en vente de matériel de guerre par le passé.

Les snipers russes

Ainsi, entre les années 2000 et 2014, la Suisse a exporté pour 3,9 millions de francs d’armes vers des «destinataires finaux étatiques russe et pour assurer la sécurité interne», il s’agissait notamment de 120 pistolets-mitrailleurs, 768 pistolets, 23 fusils de sniper et 3 fusils d’assaut. En direction de «destinataires finaux étatiques» ukrainiens et aussi «pour assurer la sécurité interne», le SECO évoque des exportations pour environ 212 000 francs. Cela représente notamment 29 pistolets-mitrailleurs, 10 pistolets et 2 fusils de sniper.

On se demande aussi s’il est possible que des armes suisses vendues à des pays voisins (comme l’Allemagne, premier acheteur d’armes suisses) se retrouvent en Ukraine dans le cadre du soutien occidental à l’armée de Kiev. Le SECO rétorque: «Tous les pays qui achètent du matériel de guerre en Suisse ne doivent pas le réexporter! Ils signent une déclaration à cet effet. Il n’est donc pas permis à un pays qui a acheté des armes en Suisse de les transmettre à l’Ukraine.»

Pas convaincant

Le porte-parole Fabien Maienfisch précise que «nos partenaires européens respectent ces directives, nous n’avons pas connaissance d’armes suisses livrées à l’Ukraine par d’autres Etats – cela devrait être autorisé par le SECO».

Toutes ces réponses ne convainquent pas vraiment le Groupe pour une suisse sans armée (GSSA). Pour sa cosecrétaire Pauline Schneider, tout dépend des accords passés entre le SECO et les acheteurs d’armes suisses, ainsi que des contrôles qui sont réellement effectués. «Les exemples de l’armée brésilienne ou des Pilatus en Afghanistan montrent toutefois qu’on ne peut pas faire confiance au SECO.»

Pour la socialiste, au vu de la situation en Ukraine, on peut légitimement mettre en doute les garanties de la Confédération. «Nous n’avons pas la certitude que des armes suisses sont utilisées en Ukraine. Ce qui est sûr, par contre, c’est que les armes fabriquées en Suisse sont utilisées pour tuer et blesser. Peu importe que ce soit en Ukraine ou ailleurs…»

«Ouvrir les yeux»

Sous la Coupole, l’UDC Jean-Luc Addor n’est pas de cet avis, lui qui souligne que la défense et la sécurité sont des besoins pour tous les Etats et les pays, particulièrement quand on fait l’objet d’une invasion. «Pour faire face à cela, il faut des armes. Et elles doivent bien être fabriquées quelque part», lance le membre de la commission de la politique de sécurité du Conseil national.

Il poursuit: «Il faut ouvrir les yeux. Je ne dis pas qu’il faille faire n’importe quoi avec les exportations, mais la loi suisse est aujourd’hui bien trop stricte et naïve. Ceux qui pensent qu’il faut la renforcer se tirent une rafale de mitrailleuse dans le pied.» Conséquence, selon le Valaisan: la Suisse perd progressivement de nombreux emplois et du savoir-faire de haute technologie. «Et tout ça ne diminue pas le nombre de guerres ou de conflits…»

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