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Scènes

Au bar d’une jeunesse bouillonnante

Anne Bisang met en scène à Nuithonie «Small g – Une idylle d’été», d’après Patricia Highsmith. Interview

La distribution réunit Raphaël Archinard, Tamara Bacci, Léonard Bertholet, Lola Giouse, Cédric Leproust, Rudi van der Merwe, Zoé Schellenberg.

Elisabeth Haas

Elisabeth Haas

5 février 2020 à 13:58

Théâtre » «Le Temps» ne tarit pas d’éloges en parlant de «Small g – Une idylle d’été», nouvelle pièce d’Anne Bisang: «Peut-être son plus beau spectacle, le plus libre en tout cas, le plus aimant.» Créé au Théâtre populaire romand à La Chaux-de-Fonds, dont Anne Bisang est la directrice, il est accueilli jeudi et vendredi soir à Nuithonie. La metteuse en scène l’a monté à partir du dernier roman, testamentaire, de la romancière américaine Patricia Highsmith, qui a transposé le shakespearien Songe d’une nuit d’été dans un bar zurichois du début des années 1990.

Vous mettez en scène un texte de Patricia Highsmith pour la première fois: comment avez-vous découvert l’auteure et en particulier «Small g – Une idylle d’été»?

Anne Bisang: En tant qu’auteure, je l’avais découverte il y a une dizaine d’années, par le roman Carol, qui a d’abord été édité sous pseudonyme. Je n’avais pas lu ses autres romans à ce moment-là. Cela faisait un certain temps qu’on me disait que je devais lire Small g, qui était resté sur ma table de chevet. Quand je l’ai lu, j’ai vu le potentiel scénique de ce roman, sa résonance avec mes préoccupations, avec mes pièces.

«Small g – Une idylle d’été» est le dernier roman de l’Américaine, il n’est pas typique de son œuvre.

Il y a quand même un meurtre et une enquête. Mais oui, il y a plusieurs catégories de romans dans l’œuvre de Patricia Highsmith. Ceux qui mettent en scène Tom Ripley, ce personnage emblématique et récurrent. «Carol», qui fonctionne sur un autre mode. «Small g», où l’on retrouve la façon dont l’auteure construit ses romans, avec l’idée de brouiller les pistes, son regard farceur, qui joue avec le lecteur. Elle surprend en permanence.

Quels étaient les enjeux de l’adaptation pour la scène?

J’ai confié l’adaptation à Mathieu Bertholet, parce que j’avais déjà travaillé avec lui sur «Mephisto/Rien qu’un acteur» d’après Klaus Mann, à la Comédie de Genève. Je lui ai demandé de ne pas ajouter de mot qui ne soit pas de Patricia Highsmith. Il a une façon rationnelle de décortiquer une œuvre, de déconstruire et d’assembler les personnages, les éléments récurrents. Mais son adaptation est restée un matériau vivant tout au long des répétitions. Parfois un regard, un silence est plus juste. Pour un roman de 400 pages, notre adaptation en fait 42. L’écriture étant très cinématographique, il s’agissait d’alléger, de choisir les images fortes. Il faut oser ça.

Vous revendiquez un théâtre engagé sur des questions sociales et politiques. En quoi Small g – Une idylle d’été est-elle une pièce engagée?

Parce que Patricia Highsmith pose un regard précurseur, dans les années 1990, sur les questions d’orientation sexuelle. Parce que notre identité est plus fluide que ce que les normes nous disent. C’est un enjeu de notre société aujourd’hui d’apprendre à regarder les questions de genre et d’orientation sexuelle avec plus d’ouverture, de voir cette diversité comme une richesse.

Patricia Highsmith est décédée juste avant sa publication. Le roman a été un peu mis aux oubliettes, parce qu’elle n’a pas pu le défendre. Mais aussi parce que c’était un roman dérangeant. Elle évoque l’homophobie de manière frontale. La société n’était pas prête à écouter ça. Je trouve intéressant de mesurer, avec le recul, le chemin parcouru. C’est ce que permet l’adaptation aujourd’hui.

« A ce moment-là, Zurich cristallise un certain nombre de menaces et d’élans. »

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