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Écrans

Lionel Baier pique sa crise migratoire

Le cinéaste suisse explore notre rapport ambigu à la crise des migrants dans une satire singulière

Isabelle Carré et Théodore Pellerin, un duo mère-fils qui se retrouve sur fond de crise migratoire.

 Olivier Wyser

Olivier Wyser

20 septembre 2022 à 19:00

Temps de lecture : 1 min

La Dérive des continents » Isabelle Adler est une fonctionnaire de l’Union européenne détachée à Catane, en Sicile, pour gérer l’afflux de migrants. Mais tandis que le député identitaire Matteo Salvini vocifère sur les écrans – nous sommes au début 2020 – et que les corps d’enfants s’échouent sur la plage, elle doit préparer une «visite improvisée» du couple Emmanuel Macron – Angela Merkel. Deux envoyés gouvernementaux des plus cyniques, un Français et une Allemande, assistent Isabelle dans les préparatifs: castings de migrants ne parlant si possible pas trop bien français, sélection des endroits télégéniques, à savoir suffisamment insalubres pour faire vrai, gestion de la gestuelle…

La Dérive des continents (au sud) analyse notre rapport à la crise migratoire en misant sur un humour caustique aussi féroce que grinçant (lire notre critique ci-contre). Le cinéaste suisse Lionel Baier nous explique la genèse de ce projet qui en dit long sur notre monde. Rencontre.

Comment est venue l’envie de faire un film sur la crise des migrants? Etes-vous allé sur place?

Lionel Baier: Je suis allé en Grèce, dans le camp de Moria. Comme tout le monde j’avais vu les images à la télévision et notamment cette vision épouvantable du cadavre d’un petit garçon échoué sur la plage. Au camp, j’ai constaté exactement ce que l’on voit dans le film: le cirque médiatique… La télé française qui demande des migrants qui parlent moins bien français, les Autrichiens qui remplacent le bébé d’une mère afghane par un autre qui pleure un peu moins. Sans oublier les touristes qui se pressent aux grilles pour faire des selfies devant les migrants comme au zoo. Je me suis dit qu’il fallait montrer cela tellement c’était absurde.

Votre film n’exagère donc pas…

C’est même la partie la plus documentaire du film. Après c’est évidemment une comédie donc on pousse le trait plus loin parfois pour rendre les choses plus efficaces.

Quand on fait une comédie, une satire même, sur un sujet aussi sensible et grave a-t-on peur d’aller trop loin, de manquer de respect aux gens?

Cette question est toujours à l’esprit. Il y a plusieurs niveaux de comédie donc il faut se poser la question suivante: De quoi peut-on se moquer vraiment et sur quel ton? Ensuite ce sont les acteurs qui ont la lourde tâche de trouver le bon dosage, de parvenir à l’équilibre. Après je pense qu’on a tout à fait le droit de rire de choses très sérieuses pour autant qu’on le fasse avec tact.

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