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Religions

Comment Dieu a pris le monopole

Le Musée Bible+Orient met en lumière l’influence des religions polythéistes sur les trois monothéismes


 Pascal Fleury

Pascal Fleury

27 novembre 2021 à 02:01

Exposition » Le judaïsme, le christianisme et l’islam ne sont pas tombés du ciel! Dans une riche exposition intitulée Des dieux à Dieu, qui s’ouvre aujourd’hui à Fribourg, le Musée Bible+Orient met en lumière une intéressante continuité entre les religions polythéistes ancestrales et les trois grands monothéismes nés au Proche-Orient. «Les religions se sont influencées. Il y avait une perméabilité entre les panthéons», explique la directrice du musée, l’archéologue Marie-France Meylan Krause.

Comment naissent les dieux, dans ce berceau des civilisations?

M.-F. Meylan Krause: Depuis des temps immémoriaux, les hommes ont observé les astres et les phénomènes météorologiques. Ils ont sûrement tenté d’expliquer ce qui les dépassait par des puissances surnaturelles. Avec la sédentarisation, il y a 12 000 ans, et alors que les conditions météo devenaient importantes pour les cultures, ils ont vraisemblablement eu l’intuition de forces divines. Les dieux de l’orage et de la fertilité deviennent dès lors les principales divinités des panthéons du Proche-Orient,

Ces divinités suprêmes prennent forme humaine…

Les dieux de l’orage tiennent un foudre dans la main, Ils sont souvent associés au taureau, dont les cornes représentent la force et la fertilité. On les nomme Baal, El, Yahvé, Zeus ou Jupiter, en fonction des époques et des régions. Chez les Egyptiens, le dieu suprême est un dieu solaire, Amon-Rê. Dans le panthéon mésopotamien, ce dieu Soleil est Shamash. La fête romaine du Soleil invaincu au solstice d’hiver a été reprise par le christianisme pour marquer, à Noël, la naissance du Christ, lumière du monde.

Ces dieux suprêmes ne sont pas seuls à dominer le panthéon?

Ils sont accompagnés d’une parèdre, une déesse de la fertilité et de la sexualité. Ces déesses sont vénérées lors des fêtes agraires du printemps. C’est Ishtar en Mésopotamie, dont l’avatar est le lion, qui deviendra la Cybèle grecque. C’est aussi Astarté, Ashéra – l’épouse d’El puis de Yahvé dans le temple de Jérusalem –, ou Artémis chez les Grecs. Les influences sont nombreuses. Lors des invasions, les conquérants imposaient souvent leur panthéon aux vaincus, mais s’appropriaient aussi des divinités locales. La très puissante et attractive Egypte, par exemple, a influencé le panthéon judéen. On a trouvé sur des jarres du roi Ezéchias des impressions de scarabées avec le motif égyptien du soleil ailé qui pourrait se référer à Yahvé, dieu à forte composante solaire.

Quand passe-t-on de ces polythéismes au monothéisme?

En Egypte, au XIVe siècle avant J.-C. déjà, le pharaon Akhenaton a voulu se débarrasser du panthéon égyptien pour ne conserver que le culte du Soleil (Rê), sans toutefois l’imposer à la population. Sans succès. Le tournant a lieu en 622 avant J.-C. en Judée, lors du retour de l’exil à Babylone. Le roi Josias décrète la reconnaissance d’un seul dieu, Yahvé. Ce monothéisme vise à rendre Dieu plus fort dans cette région sujette à d’incessantes attaques. Le Dieu unique hérite de tous les attributs des autres divinités, tandis que les idoles sont chassées et les images divines interdites. Ashera, l’épouse de Yahvé, est écartée. Le Dieu unique mettra toutefois des siècles à s’imposer.

Aujourd’hui, ce Dieu unique est au cœur des trois grands monothéismes, le judaïsme, le christianisme et l’islam. Quel intérêt y a-t-il à raviver leur lointaine origine?

La connaissance de ce passé permet de mieux appréhender les crispations existant autour des religions dans la société. Mieux connaître les origines de ces religions, savoir comment elles se sont mises en place et comment elles se sont influencées permet de relativiser, de revenir à l’essentiel. D’un point de vue historique, c’est revenir aux faits, à ce qu’on connaît. D’un point de vue spirituel, c’est aussi enrichissant. Il est émouvant de savoir que les questions qui préoccupaient les anciens nous préoccupent toujours: d’où venons-nous, où allons-nous, quelles sont les origines de la vie, qu’y a-t-il après la mort? Nous appartenons à une longue chaîne humaine sans rupture.

Exposition Des dieux à Dieu, Musée Bible+Orient, dès le 27 novembre, Université de Fribourg (Miséricorde). Rens: www.bible-orient-museum.ch

Musée Bible+Orient

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