21 août 2020 à 04:01
L’homme qui ne manipule que des chiffres et des lettres s’éloigne de l’intime. La scène des neurosciences, basée sur l’IRM et le traitement pharmaceutique, en est l’un des symptômes. Au diagnostic du «mental», elle associe, au mépris de l’intime, une médication qui occulte l’inconscient (il y a tout dans la psychanalyse, dixit Octave Mannoni, pour remettre en question le fonctionnement de la psychiatrie).
C’est l’affaire vipérine d’une psychiatrie qui donne la main aux pharmas. Elle prescrit des médicaments, afin d’étouffer les cris, souffrances et délires, etc., des êtres internés, sans dévoiler le sens de leurs troubles, tous expression d’une cause occulte.
Réduire la vie intime à du cérébral est abscons. Mieux: c’est révélateur d’une situation qui tait la violence au nom d’un savoir convenu. Une telle science sans conscience de l’inconscient est affaire qui donne froid dans le dos, tandis que son envers outrageant bouscule les certitudes.
Il me faut le dire. Dans cet univers, la vie des cloîtrés obéit d’abord aux impératifs de l’ordre des choses médicamenteuses. De la sorte, on interdit la reconnaissance du vrai de l’intime parce qu’asservi à des bêtifiements.
Alors que la reconnaissance du monde intérieur de chacun est affaire de balbutiements, d’hésitations, de doutes, de glissements, la science des certitudes psychiatriques procède selon une démarche qui ne voit que du feu au regard de l’insoutenable de l’être autre.
A force d’entendre les agents de ces certitudes, me taire est un délit.
Mario Cifali,
psychanalyste, Genève
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