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Un joyeux combat pour le patois

Cerniat • Depuis presque quarante ans, Jean Charrière met en scène et compose des pièces en patois pour la société de jeunesse du village. La troupe remonte sur les planches ce week-end.

Pour aider les jeunes à avoir la bonne prononciation en patois, Jean Charrière enregistre lui-même chaque réplique sur un support audio.Murith Vincent

Maud Tornare

Maud Tornare

3 novembre 2015 à 20:38

Dans la ferme au bord du Javroz où il a grandi, Jean Charrière parlait le patois à la maison. «C’est ma langue maternelle. Lorsque enfant j’ai commencé l’école, je ne savais que quelques mots de français», se souvient celui qui fut enseignant à Cerniat durant 39 ans jusqu’à son départ à la retraite en 2010. Dans l’école du village où il habite aujourd’hui encore, l’ancien instituteur a vu défiler des générations de Cerniatins à qui il n’a pas seulement enseigné la grammaire française, les maths ou la géographie. Depuis quatre décennies, c’est aussi l’art de la réplique en patois et par là le goût de cette langue menacée de disparition que Jean Charrière transmet aux jeunes du village.

Depuis les années 80, le Gruérien met en scène et écrit des pièces de théâtre en patois interprétées par la société de jeunesse locale. Dès samedi et pour huit représentations jusqu’à la fin novembre, la troupe amateur remonte sur les planches pour jouer deux comédies composées par l’ancien instituteur (lire ci-après).

Une quinzaine de pièces

Le Cerniatin se lance dans l’écriture de pièces de théâtre en patois en 1986. Cette année-là, la Jeune Chambre économique de la Gruyère décerne le Prix pour le maintien des traditions à la Jeunesse de Cerniat. «Avec Nicolas Brodard, alors président de la Jeunesse, on s’est dit qu’il fallait faire honneur à cette récompense», explique le sexagénaire. Sa première composition, «Mélanie», un drame tragi-comique, sera interprétée une première fois en 1988 puis rejouée en 2009. En tout, Jean Charrière a composé plus d’une quinzaine de pièces en patois dont la plupart sont des comédies. «Les histoires tristes sont déjà assez présentes dans le monde, il n’est pas nécessaire d’en inventer», confie l’auteur pour qui le patois est une langue «très chantante à la saveur particulière».

Le thème d’une saynète naît souvent des discussions que le sexagénaire aime avoir avec ses acteurs. Des idées que les jeunes ramènent parfois de leur voyage. «A Barcelone, ils avaient vu la statue de Vêrdagouêre, un poète catalan. Le nom sonnait bien en patois alors on a décidé d’en faire le sujet d’une pièce», raconte Jean Charrière qui se souvient qu’au début, lorsqu’il se mettait autour de la table avec la Jeunesse «les phrases en patois sortaient en même temps que les idées».

Toujours de l’intérêt

Le temps a passé et les jeunes de Cerniat ne parlent plus le patois aussi couramment voire plus du tout. Pas de quoi décourager Jean Charrière, heureux de constater que, malgré tout, cette langue suscite toujours de l’intérêt chez les jeunes du village. «Je ne vois pas le théâtre en patois comme un combat pour maintenir à tout prix cette langue. L’essentiel est que les jeunes se fassent plaisir, passent du bon temps en rigolant. Si ça doit être un combat, il doit être joyeux.»

Pour chaque pièce, l’auteur distribue aux acteurs une version audio de leurs répliques qu’il enregistre lui-même avec le bon accent. «Je leur dis d’écouter le CD de prononciation par exemple lorsqu’ils sont en voiture et après seulement de lire le texte de la pièce», explique Jean Charrière pour qui tout le mérite revient à ses protégés. «Je trouve que ces jeunes sont courageux de se lancer là-dedans. Pour moi, c’est facile. Je suis tombé dans la soupe quand j’étais petit». Assise à ses côtés, Jacqueline Andrey l’écoute depuis le début. L’ancienne élève de l’instituteur est venue cette année lui prêter main-forte pour la mise en scène. «Sans Jean, il n’y aurait pas de théâtre en patois à Cerniat. Même s’il ne le dira jamais, il en est véritablement le pilier.»

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Deux comédies hautes en couleur

En effectif restreint, la Jeunesse de Cerniat a dû faire appel à des anciens de la société pour jouer le théâtre 2015. Quinze acteurs, huit filles et sept garçons, interpréteront deux comédies composées par Jean Charrière. «La trèjima rintse ou mitin» (Le troisième rang au milieu) est un clin d’œil aux petites mains des coulisses, en particulier aux personnes qui s’occupent des réservations. Tout en répondant au téléphone, elles tentent de résoudre une énigme: pourquoi certains rideaux de scène ont-ils été déchirés? Dans cette pièce, les acteurs se donnent la réplique en patois et en français. Chargés de la mise en scène, Jean Charrière et Jacqueline Andrey monteront également sur scène pour déclamer en patois des fables de La Fontaine.

Dans «Le mariâdzo dè Djan-Zavié» (Le mariage de Jean-Xavier), le public retrouvera un personnage haut en couleur que la jeunesse villageoise avait déjà mis en scène dans deux précédentes pièces. Cette comédie raconte une nouvelle tranche de vie de Toyutotoyu (Tout vu tout entendu), un sympathique domestique de campagne qui va épouser une fermière lors d’une fête de noce un peu particulière… On y entendra bien sûr du patois, mais aussi du Schwyzerdütsch et du français. MT

> Vendredi 13 et 20 nov. à 20 h, samedi 7, 14 et 21 nov. à 20 h, dimanche 8, 15 et 22 nov. à 14 h30, café de La Berra à Cerniat, réservation au 026 644 04 40 (tous les jours de 16h à 19 h).

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